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Résumé :
Les gens de la ville ont peur des enfants. C’est pourquoi ces derniers vivent dans des pensionnats clos jusqu’à leur maturité.
Les douze élèves sélectionnés en classe de dernière année sont isolés du reste des enfants, puis présentés à quatre professeurs, chargés de les préparer à des vérités volontairement cachées. Ils suivent les cours sous une surveillance armée. Apprennent l’histoire de NASYA, leur monde ; la raison pour laquelle un dôme l’enveloppe entièrement. Étudient leurs rêves – ébauches de vies antérieures – à partir de perles conçues durant leur sommeil.
Les Perles de Nasya (Partie 26)
Après le dîner, Lim Ledah et Sun Abi invitèrent Shaellah à passer la soirée chez eux. Elle était contente, mais ne le montrait pas pour leur faire comprendre qu’ils ne se rachèteraient pas si facilement.
La violence des images durant le cours de Monsieur Zirmi retentissait doublement par sa vérité historique. Ils avaient besoin d’un moment de répit pour faire baisser la pression.
D’ailleurs, ils comprenaient mieux pourquoi on ne l’apprenait pas plus tôt dans le cursus scolaire : les cauchemars auraient hanté les plus jeunes. Même les capuches rouges n’auraient su quoi faire de ces vérités.
– Je peux maintenant mettre un nom sur les créatures de mes rêves, dit Sun Abi. Enfin, de mes cauchemars.
– Tu as déjà rêvé des Sylvéides ? interrogea Lim Ledah.
Les garçons ne terminèrent pas leur conversation comme Shaellah était partie loin dans les songes. Ils durent s’y reprendre à deux fois pour attirer son attention.
– Tu penses que c’était toi ? répéta Lim.
C’était exactement la question qu’elle se posait. Parlaient-ils exactement de la même chose ?
– L’ange aux ailes orange, reprit Lim Ledah. Tu penses que c’est toi ?
– Pourquoi me demandes-tu ça ?
– Le feu.
Dès l’instant où elle avait vu cet ange lors de la projection, elle sut que c’était elle. Ou plutôt, un bref instant avant la certitude, elle eut peur que ce soit bien elle. Peur comme un vertige. S’approcher de sa plus lointaine identité, la plus profonde, la résonance la plus juste, la seule réelle…
– Oui, je crois que c’est moi.
– C’est génial ! s’enthousiasma Lim Ledah.
Shaellah ne partagea pas son humeur.
– J’aimerais savoir qui je suis, se défendit Lim. L’idée de se connaître à travers ses vies antérieures est captivante. A-t-on été quelqu’un de bon, de mauvais ? A-t-on réalisé quelque chose d’important ?
– Il est mignon, se moqua Shaellah.
– Pour ça, intervint Sun Abi, il faudrait déjà que tu te mettes à rêver.
– Tu sais quoi ? reprit Shaellah. Loue ta chance de ne rien te rappeler.
L’enthousiasme de Lim Ledah fut à peine ébranlé.
– L’ange de feu tout de même !
Shaellah leva les yeux au plafond.
Puis la jeune rousse se dirigea vers les aérations dans un coin de la chambre.
– La seule chose qui me ferait plaisir si je retrouvais mes facultés magiques, ce serait de pouvoir me venger délicieusement.
Les deux amis se sentirent clairement visés.
– Mais en attendant, je me contenterai de ça.
Prenant appui sur la table de chevet de Lim Ledah, elle lança des coups de pied dans les aérations, faisant sauter le plastique qui préservait du froid de la nuit.
– Là, on est quitte.
Elle partit à travers le miroir des deux amis, en faisant un signe de la main, parée de son plus beau sourire.
Le lendemain matin, à l’inspection générale, Connrad tapotait encore son sceptre nerveusement contre le sol pour accuser le ridicule de ce rituel.
Simon était couvert de sa capuche malgré la première remontrance, prenant un malin plaisir à défier Monsieur Navaron. Lorsqu’il fut satisfait au bout de longues minutes, il l’ôta, impressionné par le sang-froid du surveillant et la ténacité de son regard.
– J’ai été comme vous dans ma jeunesse, Monsieur Simon. Vous ne me battrez pas à ce petit jeu. Je me suis entraîné tellement souvent avec le surveillant général de l’époque. Un jour, on s’est regardé dans le blanc des yeux pendant cinq heures ; c’était soit le triomphe soit l’échec de l’autorité.
– Avez-vous gagné ? demanda Simon.
– Je gagne toujours. Mais par la suite j’ai appris à aimer mon surveillant général, savez-vous pourquoi ? Le jour où j’ai compris que son autorité ne voulait pas m’écraser, mais me faire grandir, ce jour-là j’étais si impressionné par sa volonté, malgré ce que je lui faisais endurer, que je n’ai pas trouvé un métier plus noble à faire que celui-là.
Monsieur Navaron s’approcha d’Ella en humant son haleine. Dans le doute il lui demanda d’ouvrir grand la bouche. Effectivement elle avait dû mâcher une gomme, mais avait eu la décence de ne pas se présenter avec. Ella craignait juste de devoir montrer ses mains jointes dans son dos, où elle avait caché sa gomme pendant que le surveillant parlait avec Simon.
Il passa ensuite devant Sue puis Olivan.