
« Putain, tu es une putain », lui a-t-il crié du fond du couloir devant ses collègues, élèves de l’hôtel-Dieu, sorties pour évaluer ce qui se passait. Du haut de ses dix-sept ans, elle ne comprenait pas, n’avait rien à se reprocher.
Il n’écoutait que l’extérieur et laissait rumeurs et mensonges entrer en lui, au détriment de sa famille.
Elle aurait tant aimé se confier à lui et pouvoir l’écouter avec tendresse et complicité. La confrontation, l’humiliation étaient son quotidien. Il allait jusqu’à la mettre en porte-à-faux devant les invités comme si ses larmes chargées de Rimmel lui faisaient plaisir.
Il la faisait travailler comme un mec au lever du jour avant d’aller en cours. Elle sait qu’il aurait préféré un fils et elle subissait son vide à lui.
De ne pouvoir communiquer que dans les règles, les cris et les coups, sa souffrance était immense. Son corps et son âme en lambeaux lui en voulaient de ne pas essayer une main tendue, une oreille attentive.
Elle coulait sa douleur et sa colère, indicibles, sur son cahier jour après jour.
Plus tard, beaucoup plus tard, elle a découvert en lui une beauté cachée.