C’était ma banlieue

C'était ma banlieue
Auteur : Daniel A
Résumé : La banlieue, mais quelle banlieue? Celle rêvée, champêtre où l’on a passé son enfance ? Et si on retournait la visiter avec ses yeux d’adultes ? Beaucoup de surprises, d’émotions, de recherches. Et ce sentiment de sévérité qui se mêle aux souvenirs inoubliables et tendres…
C’était ma banlieue

 

16 décembre 1992, début d’après-midi. Porte de Clichy.
Suis-je vraiment à Paris ? Sur le quai du métro la foule est quasi exclusivement originaire d’Afrique noire ou du Maghreb. Seule une vieille dame blonde ressemble aux amies de ma mère. Le métro sale et mal éclairé réussit presque à ressembler à celui de Londres. On est bien loin des stations luxueuses du Louvre ou de l’Opéra. Manifestement pour la RATP le ticket de métro ne pèse pas partout le même poids. J’ai l’impression d’être dans un quartier qui me pousse hors de la ville, vers Clichy, vers Asnières, qui sait même vers Gennevilliers.
Tout à l’heure quand j’ai demandé au guichet de la RATP un plan des bus qui desservent cette banlieue y compris Epinay-sur-Seine et Enghien-les-Bains aucun n’a réussi à me trouver un plan qui aille « jusque là » !
Le RER va bien jusqu’à Epinay-sur-Seine, je l’ai vérifié !
Ça n’a plus rien à voir avec l’infâme train de banlieue que je pratiquais chaque matin avant l’aube dans les années 1960, il y a une trentaine d’années.
Par contre la gare n’a pas changé, c’est toujours le monument archaïque de pierres noircies que je connaissais entouré d’une place ringarde comme on ne les fait plus. Le long de la voie ferrée les maisons avec vue directe sur le train sont desservies par un simple sentier. On se demande si leurs habitants ont accès à l’usage de l’automobile…
De l’autre côté de la voie l’usine Olida où j’avais assisté lors d’une visite scolaire à la mise en conserve et à la cuisson des petits pois n’est plus qu’un bâtiment en ruine surveillé par un berger allemand esseulé et amaigri.
En face de l’usine un jardin à l’abandon envahi par les ronces ajoute à la tristesse du décor. On se demande par quel destin ces mètres carrés disponibles n’ont pas encore été conquis par les promoteurs. Un peu plus loin l’agence immobilière a survécu à la navrante mutation de la ville et jette un œil vigilant sur le cimetière où reposent mes parents.
Il y a quarante ans dans cette ville les vaches m’effrayaient lorsque j’allais chercher le lait à la ferme au soleil couchant. Aujourd’hui il y a beaucoup plus de tours de 15 étages qu’il n’y avait de vaches à l’époque !
J’ai tout de même retrouvé le sentier qu’à l’âge de 10 ans je parcourais à vélo chaque jour soit pour mes jeux soit pour me rendre à l’école d’Enghien.
Bien sûr les orties sauvages et les bestioles qui me faisaient parfois sursauter ont disparu au bénéfice de trottoirs bitumés. Mais les jardins aménagés avec des jeux d’enfants sont plus sympathiques que les friches d’antan. J’ai même retrouvé « chemin des saules » la digue qui longeait le ru d’Enghien où je surveillais d’un œil prudent les ratons laveurs affairés.
Le ruisseau lui-même a disparu, sans doute emprisonné dans un couloir de buses, pour permettre la construction de l’école Lacépède. Par contre existe toujours le stade municipal où le dimanche se déroulaient des parties de football parfois laborieuses.
Tout près des studios de cinéma Eclair, pas très loin de l’église Saint Médard, les immuables ruelles en terre battue descendent toujours en pente rude jusqu’à la Seine.
Depuis le chemin de halage au moment où le soleil plonge vers son lendemain, j’aperçois très loin une longue péniche se dirigeant vers Paris. Elle va bientôt disparaître dans une boucle du fleuve, et j’ai le sentiment qu’elle emporte avec elle le souvenir de mes parents et de mon enfance qu’évoque si fort au fond de moi tout ce quartier.

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