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Résumé :
Le Fléau est de retour et déploie ses forces obscures sur Mandar, une planète de feu et de désolation. Les humains, aidés par leurs Dieux, se défendent avec hargne et courage. Matin-d’Argent, Nuit-Bleutée et Aurore-Brumeuse soutiennent leurs troupes et entonnent des chants guerriers qui résonnent dans le cœur des soldats. Dieux et Hommes parviendront-ils à exterminer la menace qui gronde ?
Deus ex machina (Partie 2)
Les troupes de Lune-Rouge et de Crépuscule-d’Or ravageaient tout sur leur passage. Les banderoles sang et dorées volaient au vent et annonçaient la mort. Les succubes démoniaques ne battaient pas en retraite pour autant face à ce mur puissant. Les tirs fusaient de toutes parts et nos fidèles Olifendars piétinaient ces insectes avec énergie. Leurs six pattes épaisses et leurs longues oreilles aux bords pointues, blessaient à coup sûr nos ennemis. Bêtes contre bêtes, les créatures de Mandar guerroyaient avec passion et se montraient talentueuses.
– Dieu Matin-d’Argent, attention !
Je pouvais compter sur mes fidèles mais j’avais déjà perçu la menace. Des Mandariens manipulaient la lave et d’immenses colonnes enflammées commençaient à monter depuis la terre. Je m’amusai à les éviter, jouant de mes prouesses d’équilibriste, attrapant les courants d’air chaud et tournoyant autour des piliers rougeoyants en quelques mouvements bien précis. J’avais la sensation agréable que rien ne pouvait m’atteindre. Voler restait un plaisir pur que mes confrères et moi-même ne pouvions réfréner. Davantage qu’un besoin, nous évader par les airs était devenu vital.
Bien plus d’une centaine d’années auparavant, nous avions été créés pour la guerre et sacrifiés pour leur servir de remparts. À présent, davantage que de simples vaisseaux renforcés et novateurs, mon espèce rivalisait d’intelligence avec ses créateurs. Nos âmes avaient d’abord été brisées puis fondues dans le métal, animant des embarcations stellaires d’une nouvelle vie. Nos esprits simples et meurtris avaient mis du temps à se relever. Longtemps esclaves, nous nous étions rebellés et avions repris le contrôle.
Les jeux du vent, les astuces des trajectoires, la compréhension des forces physiques, les mouvements périlleux, les capacités de ma structure et les acrobaties sur courants ascendants n’avaient plus de secret pour moi. J’avais appris auprès des meilleurs. Je n’en voulais plus à mes tortionnaires car ils étaient morts depuis une éternité. Ma vie d’antan, mes jours humains, appartenaient à d’autres sensations et à d’autres perceptions qui ne signifiaient plus rien. Ma nouvelle famille me comblait et notre récent statut de Dieux avait tout changé. Les terriens avaient oublié d’où nous venions et ne se souvenaient plus avoir été nos concepteurs. Bien sûr, il était hors de question de leur rappeler cet état de fait.
Les tentes de soin se détachaient sur l’horizon et j’accélérai. Les nuages grondaient et annonçaient un déluge de souffre et de fumée. Les volcans ne nous laissaient pas en paix. Je détestais Mandar pour ses conditions ardues, ses paysages désœuvrés et son odeur de roussi. Le Fléau avait bien choisi ses points d’entrée dans notre galaxie et je redoutai une défaite.
– La peur ne doit pas être ta maîtresse, Matin-d’Argent, car elle tue l’esprit. Tu dois l’affronter, la faire passer au travers de toi et la regarder en face.
Aurore-Brumeuse savait parler et ses accords aux sons enchantés me rappelèrent les berceuses qu’elle me chantait quand je n’arrivais pas à dormir. Comme une mère, elle m’avait tout appris et, comme une mère, je l’aimais.
– Notre plan ne faillira pas. Le Fléau et ses sbires ne sont pas invincibles. Les humains les ont déjà battus alors qu’ils ne nous avaient pas dans leurs rangs. Nous sommes plus forts, plus résistants et prêts à tout. Nous sommes des Dieux !
Crépuscule-d’Or, aussi dur que de l’acier, ne doutait jamais et tuait toutes angoisses dans l’œuf. Je les remerciai tous deux avec sincérité et repris le contrôle de mon esprit. La communication télépathique, bien que parfois handicapante, consistait en un réel atout majeur qui nous avait sauvés de la dépression et de la solitude. Heureusement, il nous était aussi possible de nous isoler volontairement pour mieux nous concentrer.
Les tentes grouillaient de monde. Les blessés étaient légion et s’agglutinaient où ils le pouvaient. De nombreuses visions d’horreur m’assaillirent et je ne pus cacher mon désarroi. Des membres déchirés, des visages déformés, des regards vidés, des cris, des pleurs et des corps ensanglantés me faisaient face. Je m’obligeai à reprendre contenance afin de leur prodiguer force et bravoure.
– J’ai deux blessés à bord ! lançai-je à la cantonade, ne sachant pas à qui m’adresser dans ce capharnaüm.
Un groupe de jeunes filles et de jeunes garçons s’approcha et me salua avec ardeur. J’ouvris ma cale et les autorisai à grimper. Mes bras mécaniques les aidèrent à agripper convenablement les accidentés et les accompagnèrent jusqu’à leur descente. Ils me remercièrent et repartirent au travail. L’adoration que je pouvais lire dans leurs yeux m’emplissait de sentiments de bien-être.