Hippolyte (Partie 1)

Hippolite

Catégorie : Littérature sentimentale

Auteur : Flora Lune

Résumé : Hippolyte, une identité volée.

 

 

Hippolyte (Partie 1)

 

 

Hippolyte avait cessé de grandir à l’âge de onze ans. Mais, sa taille à ce moment-là entrait déjà dans la moyenne basse des adultes. Ses parents avaient toujours voulu un garçon. Pour pouvoir l’appeler Hippolyte, justement.

La journée s’était déroulée normalement pour Hippolyte. Une journée de cours durant laquelle les professeurs avaient, une fois de plus, insisté sur l’approche inexorable des examens. Une journée durant laquelle Hippolyte avait déjeuné avec ses amis au snack des lycéens. Seule Mélanie manquait à l’appel. Elle avait un petit ami depuis quelques semaines, et ne déjeunait plus que très rarement avec le groupe. Hippolyte aimait bien Mélanie et se réjouissait de son bonheur nouveau, bien que son absence parmi eux lui fît un peu de peine.

Hippolyte marchait, d’une allure soutenue, sans se presser toutefois, cheminant vers le domicile partagé avec son père. Pas avec sa mère : celle-ci était décédée six ans auparavant. Hippolyte la regrettait beaucoup.

Hippolyte composa le code d’entrée, franchit la porte magnétique de son immeuble, et prit l’ascenseur jusqu’au quatrième étage. Son père, au téléphone, lui adressa à peine un signe de tête. Hippolyte répondit machinalement et se dirigea vers la cuisine. Tous deux communiquaient peu. De telles attitudes étaient habituelles entre eux.

Hippolyte réfléchit un instant dans le vide, puis, prit une banane et se dirigea vers sa chambre. Pour une fois, les professeurs avaient donné peu de devoirs. Ils devaient considérer que les révisions étaient pour leurs élèves assez intenses pour qu’il fût inutile de rajouter une charge de travail supplémentaire. Les délégués de classe s’étaient battus pour cela et avaient fini par obtenir gain de cause. En un soir comme celui-ci, Hippolyte avait une curieuse envie de ne rien faire sinon s’installer sur son lit et se laisser absorber par n’importe quel vide-cerveau à la télévision ; et par conséquent, témoignait la plus vive gratitude à l’égard des représentants de sa classe.

Vers sept heures et demie, Hippolyte commença à sentir se dissiper les effets de son déjeuner. Son père, peu enclin à préparer à manger, lui annonça qu’il avait commandé des pizzas. Ça aussi, c’était habituel. Le patriarche n’aimait pas cuisiner, Hippolyte ne savait pas cuisiner. Et n’avait jamais pensé à apprendre.

Les pizzas furent vite arrivées. Le repas commença en silence. Puis, le père prit la parole :

– Comment s’est passée ta journée ?
– Bien, répondit Hippolyte. Les profs ont passé une partie de la journée à nous parler d’orientation. C’était chiant.
– Ne dis pas ça. Tu sais bien qu’ils le font pour les élèves comme toi qui n’ont toujours rien décidé à deux mois du bac.
– Mais j’ai déjà choisi Papa, répliqua Hippolyte. Mon choix était déjà fait à mon passage en première. C’est toi qui refuses de t’y faire.
– Réfléchis bien Hippolyte. Il est encore temps de t’inscrire en médecine.
– C’est tout réfléchi. J’irai en informatique, point barre.

Souhaitant une fois pour toutes mettre un terme à la conversation, Hippolyte se leva, débarrassa son assiette encore à moitié pleine, et vaqua à ses occupations.

La discussion au sujet de l’orientation d’Hippolyte était un thème récurrent au domicile. Lorsque le père d’Hippolyte lui demandait des nouvelles de sa journée, la réponse lui importait peu en vérité. On eût dit que tout ce qu’il voulait, c’était ramener sur la table ce sujet qui lui tenait tant à cœur. Depuis plusieurs années, il insistait sans relâche pour que son enfant devînt médecin. Or, la décision d’Hippolyte d’étudier l’informatique était également prise depuis plusieurs années. Pourtant, le sujet revenait tous les jours. Hippolyte n’avait jamais compris l’obsession de son père. Certains disaient qu’elle était due à l’échec que lui-même avait connu lorsqu’il était étudiant en médecine. D’autres affirmaient qu’il regrettait que personne n’eût été capable de guérir le cancer de la gorge qui lui avait pris sa femme. Mais, Hippolyte le savait, obtempérer ou non aux injonctions de son père ne ferait pas revivre sa mère. Ça aussi, son père devait s’y faire.

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