Catégorie : Aventure/Action
Auteur : Lafaille
Résumé : Après avoir été cobaye pour l’État, un homme se retrouve enfermé à son insu dans un hôpital psychiatrique. Pris au piège, il fait tout pour rester optimiste face à la situation.
Note : Les délires et les incohérences des services de l’État, et de l’institution psychiatrique.
Jésus aime jouer au baby-foot (Partie 2)
Il fait froid, il a neigé, et le paysage est aussi blanc qu’au premier jour du monde. J’ai une quarantaine d’années, et je suis ce qu’on appelle un inadapté dissident. A l’âge de trente ans, le gouvernement m’a engagé pour détecter de nouvelles drogues quotidiennes arrivant sur le marché, le but étant de lister les produits le plus rapidement possible afin de contrer le phénomène et choper les dealers et les entreprises sous couverture. Ma mission réelle : goûter les drogues avant la population locale, en décrire les effets, les amener au labo, en avertir les services de police. J’étais un drogué qu’on a utilisé. Un cobaye de l’État. J’en avais conscience, j’ai accepté la proposition pour éviter l’incarcération et bénéficier gratuitement des effets délirants des drogues de synthèse. De la chimie tout ça.
Du jour au lendemain, après sept ans de bons et loyaux services, on m’a jeté à la benne. Avec une prime de dix mille dollars. On achetait mon silence. Je détenais des informations confidentielles, je représentais une erreur dans le rouage des institutions. Je l’ai mal pris, et j’ai balancé tout ce que je savais à la presse. Tout s’est su, on m’a retrouvé, on m’a jeté en H.P.
Pas loin de trois ans avec des fous, et je n’ai rien contre eux, au contraire, tout cela pour moi est une question de point de vue. Dans ma bouche le mot fou n’a rien de péjoratif. Et si l’on en croit ma nouvelle entrée à l’hôpital, je suis moi-même fou. Suis-je dangereux, véritablement dangereux ? Pas pour le gouvernement, non, cela je l’ai bien compris, je suis un fou, un vrai, un danger, pour la société. Je suis une défaillance du système gouvernemental.
Enfin libéré de mes sangles, et debout, conduit par ce charmant docteur, je suis accueilli par cinq autres docteurs. On m’emmène au secrétariat, je signe des papiers. Une fois le service administratif expédié, on m’emmène en chambre d’isolement. Je regarde tour à tour les médecins, je finis par croiser le regard du docteur Whitman, l’implorant, elle ne bronche pas. Traître.
Des liens sont prêts, attachés à mon futur lit en cas de probable violence. Je suis abasourdi, je ne comprends pas ce qui m’arrive. Je décide de la jouer fine, de garder le sourire, de parler docilement. On me donne un pyjama, on m’explique qu’après leur départ, mon seul moyen de communication avec le service médical sera la caméra posée en haut au coin gauche du lit. Je souris, je fais un signe de la main à la caméra en disant bonjour maman. Un conseil dans cette situation : éviter l’humour.
– Monsieur Foster, reposez-vous maintenant, me dit le docteur Whitman, on parlera de ça demain.
L’escadrille de blouses blanches se faufile derrière la première porte, j’entends les clés tourner dans la serrure, puis une deuxième porte s’ouvre, fermée elle aussi à double tour. Je suis bien loin de la sortie.
Je me sens comme un rat de laboratoire. J’enfile mon pyjama, je ne peux pas m’empêcher de montrer mon cul à la caméra, tout en me trémoussant, arrête tes conneries Ben, me dit cette voix de Gemini cricket. Sans comprendre les raisons de mon enfermement, je m’endors dans cette atmosphère aseptisée, javellisée, blanche, et rêve de mes futures conversations avec les fous.