Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.
Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.
Catégorie : Biographies et Autobiographies
Auteur : Lafaille
Résumé : Un homme tente de soigner son addiction.
Journal aléatoire d’un alcoolique en sevrage
Jour n°43 (Partie 43)
Quelle promenade hier ! J’ai toujours su que l’étoile filante ne filerait pas toujours. C’est fatigant de la suivre, elle va trop vite, et je n’ai jamais aimé courir.
C’est laid de courir, c’est inesthétique, et le sang buccal me coupe c’putain de souffle de fumeur. J’ai arrêté depuis bien longtemps de courir. Si je me souviens bien, la dernière fois que j’ai couru c’était pour échapper aux vigiles du supermarché du coin. Sinon cela remonte à l’âge de mes dix ans.
J’étais un champion à l’époque mais à force d’entendre des horreurs sur mon compte, je suis devenu ces horreurs : buveur de bières à onze, fumeur à onze ans et demie et ventre proéminent à douze, dents pourries à quinze, glandeur joueur de vidéo à quinze ans et demie et voleur de voitures à seize. J’ai échappé à la police maintes et maintes fois par ruse et complot avec l’ami de toujours : le vieux bougre de Marco.
Mais revenons à cette promenade, j’ai rencontré la femme de ma vie hier sur un banc. Malheureusement, elle est maquée, et quand je dis maquée, je ne veux pas dire seulement qu’elle est avec quelqu’un, mais qu’elle se prostitue sous les ordres violents de son mec et mac. Suzon est adorable, mais rien n’est possible entre nous, malgré notre bonne volonté. À moins que je ne bute son mec gros balourd toujours en pleine démonstration de sa virilité, mais cela aussi m’est impossible, je ne suis pas fait pour la violence, je ne l’ai jamais été.
Suzon est une pute. Et je l’aime. Comme il ne se passera rien de charnel, je ne suis pas en danger et cet amour sera éternel. D’ailleurs, pas sûr que je puisse la revoir, elle est occupée Suzon. Elle a un métier, elle. Je suis heureux, c’est tout ce qui compte, le reste, peu importe.
Fout-Le-Camp et Reviens sont en train de me regarder de cet air malheureux qu’ont tous les chiens, ce regard qui en dit long sur leur condition : le malheur. Ah je vous jure ils sont champions ces deux-là pour vous faire culpabiliser. Et l’autre qui miaule.
Sortons, je ne suis pas d’humeur à rester enfermé entre quatre murs en ce moment, en route vers la gloire !
Jour n°44 (Partie 44)
Je me souviens, un jour mon con de père m’a offert un attrape-rêves, je crois qu’il s’est trompé, c’était plutôt un attrape-boulets. Après ce cadeau empoisonné, je n’ai connu que des emmerdes. Enfin, sans parler du paternel. Avec lui, les emmerdes, c’était dès le début !
Finalement à bien y penser, je suis tombé direct dans les emmerdes, dès la sortie de l’origine du monde, dès mon entrée en matière dans la vie, sans passer par la case prison, j’y suis resté. C’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas, et la merde voyez-vous, ça s’accroche, c’est fou comme ça s’accroche. Ça vous colle à la peau.
Je pense encore à Suzon, et je pense que j’y penserai encore jusqu’à ce que mort s’ensuive, je suis débordé par des sentiments contradictoires, et c’est pour cela justement qu’on peut dire de moi que je suis amoureux en ce moment.
Je n’ai jamais aimé la clarté, ni la lumière d’ailleurs, ça m’ennuie. Profondément. Je suis né dans l’ombre, à l’arrière-boutique d’attrape-boulets de grand-mère Odette.
Odette, une sacrée celle-là, et vu que les chats ne font pas des chiens, et inversement – oui je sais je suis une exception – elle a fait mon père. Quel délire que la génétique ! La loterie ! À qui le suivant !
Jour n°45 (Partie 45)
Qu’il est difficile de tenir debout sans alcool. C’est un paradoxe de plus, évidemment, que j’assume entièrement.
Finalement hier Reviens est revenue vers Fout-Le-Camp pour se faire pardonner, elle n’a pas grand-chose à faire, Fout-Le-Camp est si amoureux qu’il en devient aveugle le pauv’chien. C’est malheureux, mais qu’est-ce qu’on peut être con lorsqu’on est amoureux, une vraie poire. Et je ne parle pas de celle pour le fondement, je vous vois venir bande d’obsédés, vous me faites honte. Oui, j’ai honte de faire partie de cette espèce. Ordures !
Je suis retourné sur Internet et j’y ai vu un amas de conneries si profondes que j’en pleure encore de rire. Oui c’est mon parti, de rire car j’ai envie de pleurer. Les réseaux sociaux se sont multipliés, la bêtise avec, elle a fait des petits. Internet est devenu le confessionnal universel sans curé ni prêtre ni bonne sœur. Et vas-y que je défends la cause animale, et vas-y que je vais dans les manifestations féministes (encore elles !), et vas-y que je me prends pour un artiste, et vas-y que maintenant je suis écrivain, la honte se répand en moi, un sacré morceau de merde coincé dans la gorge : l’humanité.