Journal aléatoire d’un alcoolique en sevrage (Parties 82, 83, 84)

Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.

Journal aléatoire d'un alcoolique...

Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.

Catégorie : 

Biographies et Autobiographies

Auteur : 

Lafaille

Résumé : Un homme tente de soigner son addiction.

Note : Journal d’un homme au bord du gouffre, dépressif, et alcoolique.    

Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.

Journal aléatoire d’un alcoolique en sevrage 

Jour n°82

Lâche que je suis, j’ai envoyé Fout-Le-Camp et Reviens au front, la voisine était absente. C’est vrai que les gens travaillent, j’avais oublié cette affaire-là. Je me suis alors plongé dans Beckett. Ce cher Beckett, et ses beaux jours, mais quel génie !
Un fameux gars ce Samuel, et cette ritournelle à la fin, des années que je ne l’avais pas lue, eh ben ça me fait toujours le même effet : je ris à gorge déployée, et hop je finis à la renverse, en larmes.

Jugez par vous-même, et chantez-moi ça devant votre miroir, vous allez voir où ça vous mène. Rien que pour vous je vous la mets, oui on va sortir, non là je parlais à mes chiens, excusez-moi, voici la douloureuse :

«Heure exquise
Qui nous grise
Lentement,
La caresse,
La promesse,
Du moment,
L’ineffable étreinte
De nos désirs fous
Tout dit, Gardez-moi
Puisque je suis à vous. »

Oh Les Beaux Jours, Samuel Beckett.

Et vlà que je chiale, pauvre madeleine que je suis, venez, ah merde j’ai encore oublié la foutue pâtée de Mimine, mais qu’il est exigeant ce chat, il ne peut pas faire comme tout le monde et manger des croquettes. Et il miaule. Mimine est une femelle, je vous l’accorde, mais je n’arrive pas à féminiser le mot chat, que voulez-vous, je suis pudique, et j’en deviens moribond.

Venez, Fout-Le-Camp, Reviens, papa sèche ses larmes de pauv’con sentimental, et hop on va attraper le soleil entre deux trois rayons.

Lumière.

Jour n°83



Repris dans la vitesse citadine, enivré par les mots de Beckett, le cœur en bandoulière, j’erre dans des sphères poétiques, mains dans les poches trouées de vagabond à la ramasse, priant, en écumant les pavés, de ne pas tomber sur ma propriétaire. Toujours pas passé l’arme à droite celle-là. La mauvaise herbe tient toujours la route. Elle s’accroche. Et ne désemplit pas. Elle se propage, mauvaise graine, depuis le début, et se prend pour la reine du monde, pour Dieu, ou je ne sais quel gourou de haut vol, quelle satanée chienlit.

Je suis rassuré, j’ai mes chiens. Peu m’importe le reste du monde. Et dans un éclat de lucidité, accroché au soleil, je pars dans des rues inconnues pour voir ailleurs si j’y suis. Je ne suis nulle part ailleurs. Mais parcourir les mondes inconnus, si proches de chez moi me procurent toujours une joie intimement liée aux secrets et trésors que l’on pouvait trouver enfant dans le grenier de grand maman.

Bon, mamie, eh ben je ne l’ai jamais connue, ni paternelle, ni maternelle, les deux oies qui me servaient de parents ont perdu si tôt leur mère, qu’ils ont du faire sans. Et faire sans, c’est comme grandir sur terre sans avoir jamais vu ni respiré la mer, on se noie.

Je ne vais pas trop m’attarder là-dessus, je vais encore me mettre à chialer. Fout-Le-Camp, Reviens, venez on va chez Carrefoutre emprunter de la pâtée pour Mimine, sinon elle va encore nous faire une gueule d’enterrement, et va finir par me lacérer le portrait quand les yeux clos, je m’endormirai.

Soyons honnête, emprunter signifie tout bonnement voler. Mais bon je pense que j’ai d’une déjà abordé le sujet de deux, si je continue sur cette voie, je vais encore partir dans des digressions infinies, ce qui vous fatiguera très vite.

Je pense à vous chers lecteurs, et n’y voyez aucune prétention, je vous en prie, après tout je ne suis qu’un pauvre vagabond, en proie aux bons vouloirs de nos représentants. Mais qu’est-ce que je vais pouvoir trouver encore comme idée pour passer les filets de la commission, il faut y aller mon vieux, sinon dans six mois, tu devras mettre tes clés sous la porte, il faut trouver une idée, absolument, je suis handicapé, mais le dire ne suffit pas, je dois les convaincre. On chargera la mule, dit ma psychiatre, la banane aux lèvres.

Allez on se concentre mes loulous, Mimine nous attend. Les vigiles de Carrefoutre aussi.

Jour n°84



Hier, quelle chance, un seul vigile, et aucune possibilité de se faire attraper. Du coup, j’ai fait le plein : de la viande, de la pâtée, des crevettes, du thon, des fruits et légumes, de la mousse à raser, un rasoir, du déodorant, du parfum. Quand je suis sorti de cette boîte concentrationnaire occidentale, je me suis senti tellement fier que j’ai craqué, j’ai donné un steak à Fout-Le-Camp, et Reviens, ils sautillaient comme des cabris, joyeux.

Je sautais avec eux. Et je me sentais beau. Fier comme un paon, j’aurais fait le paon si j’avais pu, mais cette foutue santé de mal foutu ne me laissera jamais en paix. On ne dit pas aux alcooliques que pendant leur cure, ils vont douiller, se mordant la langue pour tenter de contrer la douleur. Le corps, on le ressent entier comme un amas de douleurs. Toutes les connexions neuronales sont bien élevées et vous rappellent à chaque instant que si vous tombez encore une fois dans l’alcool, vous allez en crever. Mais ce n’est pas la peur de la mort qui retient l’alcoolique, non ce n’est pas la belle faucheuse, c’est l’amour. Si vous retombez dans la dépendance, si vous craquez, vous risquez de retomber dans les affres du cœur malade.

Vous avez bu pour cette raison, vous avez arrêté pour la même raison. Quand vous commencez à boire, l’amour se dissout. Quand vous poursuivez dans la voie de l’alcoolisme, l’amour devient alors l’ennemi n°un. Il vous perd, et vous vous perdez dans les souvenirs. Crever par amour, voilà votre faille, vous êtes un des seuls résistants au romantisme, vous avez pu un jour crever par amour, et vous le pouvez toujours.
Je digresse encore une fois, mon cerveau n’est pas obéissant, dès que la pensée se tord, je me tords avec.

L’actualité indécente fait rage, et je ne peux m’empêcher de penser à nos pères, à leur combat, et à leurs pertes. Des héros.
Oui on y va, vous avez mangé voilà vous êtes contents vous, c’est déjà ça, ben vous avez quoi là à aboyer comme ça, ah merde voilà le vigile sur le parking, viiite courons. À notre perte. Eh ben je ne suis pas si foutu que ça, j’ai semble-t-il une bonne constitution.

On est déjà arrivé, et maintenant on va pouvoir se la couler douce. Tiens Mimine, vlà du thon, royal, non ?

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