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Résumé :
Une jeune fille s’ennuie un peu mais quelque chose d’immense résonne en elle : l’espoir du bonheur.
La fin du dimanche après-midi (Partie 1)
Elle était doucement triste, cette belle chanson écoutée sur le transistor qu’elle avait reçu il y a trois ans pour sa communion, tradition oblige. Elle se remplissait d’un sentiment dont elle ne savait pas trop quoi faire pour l’instant mais elle savait qu’il était là et qu’elle s’en resservirait plus tard, dans sa vie d’adulte avancée. Ce n’était pas réellement de l’ennui, c’était beaucoup plus nuancé et plus complet que ça. Quelque chose bougeait en elle, il y avait un enthousiasme maladroit et confus, à peine perçu. Des impressions mélangées, enchevêtrées parfois miscibles, ce qui rajoutait une petite douleur vaguement délicieuse mais réelle. Il faut dire que le gris de ce dimanche après-midi s’y prêtait parfaitement, chanson triste d’un moment sans lumière.
Elle regardait sa chambre, essayait d’y ranger quelques objets comme pour tenter de se donner la certitude que tout était à sa place. Ressentis contradictoires. Mais le papier peint qu’elle n’aimait plus, les peluches défraîchies et pourtant toujours là depuis si longtemps, les petites boîtes à bijoux côtoyaient sur les étagères ou sur le petit bureau les livres scolaires de sa classe de première et les accessoires de son adolescence établie. Elle essayait de donner un peu d’harmonie pour essayer de croire qu’elle était à sa place, comprise, importante, accompagnée. Elle avait envie de parler mais elle ne savait pas à qui et ne savait pas comment. Elle aurait voulu être écoutée pour elle et non pour ce qu’elle représentait ou ce qu’on était en droit d’attendre d’elle. Il lui manquait quelque chose, quelqu’un… mais elle savait que de ce moment lourd, qui lui serrait la gorge sans raison clairement évidente, naîtrait plus tard de la nostalgie.
C’est pénible et culpabilisant, la solitude, quand on est entouré. Elle devrait, avant le repas du soir, préparer son sac pour la semaine à l’internat. C’est ce moment qu’elle aimait le moins et pourtant, dans la soirée, ça irait mieux et à l’internat et au lycée, en classe, elle se plaisait et réussissait bien et avec facilité et intérêt. Elle n’aimait pas ce moment de préparatifs qui la faisaient quitter cette maison où elle concevait ses futurs espoirs parce qu’elle avait banni l’ennui de ce moment de la journée pour s’imaginer et ne pas se décevoir plus tard. C’est à ce moment de la journée, avant de faire son sac, qu’elle avançait ainsi. Elle savait déjà, à ce moment de sa courte vie, qu’elle aurait à puiser dans le rappel de ces émotions, de ses émotions vécues pour continuer. C’était comme un socle. Mais il fallait que ce soient des moments forts, qu’elle se remplisse. Finalement, la solitude avait au moins ce bon côté. Mais était-elle aussi seule en étant aussi bien accompagnée par elle-même ? Étrange paradoxe dont les deux pôles apparemment contradictoires sont en réalité complémentaires. En tous cas, pour elle.