La fin du dimanche après-midi (Partie 2)

Catégorie :

Littérature sentimentale

Auteur :

Ericlelab

Résumé :

Une jeune fille s’ennuie un peu mais quelque chose d’immense résonne en elle : l’espoir du bonheur.

La fin du dimanche après-midi (Partie 2)

Plus tard, elle dînerait avec ses parents et son jeune frère autour des restes du repas de midi, sa mère préparant toujours en abondance quand elle revenait le vendredi soir. Et puis encore plus tard, regarder le film tous les quatre dans un semblant de communication. Ils seraient confortablement installés, presque en train de ronronner.
La maison était belle, sa chambre spacieuse ; son père, un artisan ébéniste réputé, travaillait beaucoup et gagnait bien sa vie. Sa mère s’occupait de la comptabilité et du secrétariat de son mari. Ils étaient estimés, avaient des amis qu’ils recevaient régulièrement. Un bonheur sans ride, lisse. Le petit village qu’elle habitait depuis sa naissance l’avait vue grandir, faire ses premiers pas, ses premières chutes à vélo, ses premières fêtes de Noël, sa scolarité à l’école communale, ses premiers départs en vacances, ses retours au mois d’août pour aller jouer avec les enfants de son âge…

Avec qui avait-elle réellement communiqué ce week-end ? Bien sûr, elle avait parlé avec ses parents, toujours soucieux de savoir comment s’était passé la semaine au lycée, avec son jeune frère qui déguerpissait la dernière bouchée du petit-déjeuner et du déjeuner avalée pour retrouver ses copains dans un vague pré et jouer vaguement au football. Oui, elle avait rencontré ses amies du village pour bavarder plus par habitude que par envie. Quelquefois, des garçons les rejoignaient et l’ennui semblait se dissiper un instant dans des moments de rires convenus et attendus sur des épisodes de vie relatés et peu intéressants, comme s’il fallait que le temps passe. Alors, pourquoi ne pas le faire passer en compagnie de jeunes gens de son âge, témoins et acteurs de moments de sa vie passée et actuelle ? Mais en elle-même, elle savait que le charme était rompu et il lui était déjà arrivé, lors de ces rencontres où ils étaient souvent assis sur un muret d’angle, de regarder son ombre tout en parlant ou en écoutant comme pour mieux se persuader que ce n’était pas tout à fait elle-même qui était là. Elle plaisait aux garçons mais comme à cet âge, toutes les filles plaisent aux garçons, elle s’en amusait secrètement sans en jouer.

Elle ressentait comme une sorte de fatigue qu’elle n’aimait pas. S’il est des fatigues constructrices, celles qui font connaître son corps, des fatigues apaisantes, des fatigues qui donnent à réfléchir et à penser, il est d’autres fatigues, plus sournoises. Des lassitudes davantage que des fatigues, des moments vides plutôt que des moments remplis, des manques plutôt que des certitudes ou même des doutes. Et inévitablement, malgré les longs soupirs qu’elle allait chercher – car elle s’amusait ou se rassurait à penser qu’avec eux partaient les mauvaises pensées – elle sentait l’envie de pleurer blottie quelque part. Une gentille envie de pleurer, sans haine, sans réel chagrin, une envie de pleurer pour exprimer le fait d’exister. À peine une envie de pleurer, plutôt l’impression de créer une nostalgie future qui sera parfois un refuge mais surtout un manque, une envie de pleurer belle et émouvante comme les musiques crées par Nino Rota dans les films italiens des années cinquante et soixante qu’elle regardait seule et avec tant de délectation, parce qu’il y a autant de poésie que chez Rimbaud, avait-elle dit une fois à ses parents qui n’avaient pas d’autre choix que de la croire.

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