Catégorie : Fantastique/Merveilleux
Auteur : Chloé Garcia
Résumé : Ela, une jeune musicetelle de son village, vit paisiblement quand des phénomènes étranges surviennent. Le voile entre la vie et la mort s’amincit et les ténèbres entrent dans la danse.
La magie d’Ela (Partie 3)
– Il paraît que pour détecter les victimes des mangeurs-d’âme, il faut regarder la base de leur cou. On y trouverait une incision en forme d’étoile. C’est ma petite qui m’a raconté ça tout à l’heure. Elle adore les histoires glauques, au grand dam de sa mère. Elle lit un peu trop je crois et a un peu trop d’imagination !
Le forgeron se mit à rire, suivi par plusieurs des compagnons de la jeune femme. Ela avait lu des ouvrages parlant de ces horribles créatures qui traitaient leurs pairs comme des bêtes faibles et sans valeur. Bien qu’elles n’existassent pas, elle les haïssait et ne supportait pas que l’on pût utiliser la magie de la musique pour contrôler les âmes des autres. La magie noire était risquée et dangereuse. Aux dires des récits, les victimes ne vivaient jamais bien longtemps tant leur âme était souillée. Le massacre des moutons n’était certainement pas dû à un fou manipulé, mais à quelqu’un qui leur voulait délibérément du mal. Les enfants ne devraient pas lire ce genre d’histoire.
Soudainement transportée, la jeune femme s’assit sur le sol, manquant de faire trébucher un villageois qui rouspéta. Ela était imprévisible et souvent tête en l’air. Beaucoup s’en plaignaient à son père et voulaient même la voir destituée de ses droits d’héritière. La jeune femme désirait jouer pour méditer et retrouver l’inspiration qui lui manquait dans cette drôle d’enquête. Elle ramena ses cheveux noirs d’un côté et agrippa une de ses sangles pour faire descendre sa harpe.
Une sensation déplaisante lui fit remonter un frisson le long de son bras. Ses doigts sensibles avaient senti une chose anormale sur l’une de ses lanières : du sang séché s’étalait sur une infime partie du cuir. La jeune femme essaya de se rappeler ce qui avait pu former cette tache, mais sans succès. Intriguée et inquiète, elle sortit son couteau fétiche de sa sacoche et la terreur se lut dans ses yeux : il était aussi recouvert de sang.
– Ces histoires de sorcellerie noire plairaient beaucoup à Mereas ! Il est rentré hier de sa mission chez les Altuyis, à ce qu’on m’a dit.
– Je reviens, dit soudainement la jeune femme, rengainant son couteau en vitesse.
Tous acquiescèrent sans y prêter attention. Ela se leva précipitamment. Son parrain, Mereas, était de loin la personne qu’elle aimait le plus, bien avant son père. Il l’avait élevée quand ce dernier combattait aux côtés du haut-roi et que sa mère était mourante, ruisselante de fièvre. Fort heureusement, Ela était trop petite pour se rappeler de ces atroces moments de souffrance intense.
La jeune femme se dirigea vers une cabane rustique, cachée derrière des arbres. Son parrain n’aimait pas trop les visites et avait du mal à s’entendre avec les membres du conseil. Ses idées étaient trop ambitieuses aux dires du village. Quoique contradictoire que cela puisse paraître, il avait été choisi comme ambassadeur et se débrouillait très bien. Son éloquence n’était plus à prouver et sa magie guérisseuse était connue par-delà ces terres. Il était aussi un puissant magicien, capable des plus belles et majestueuses prouesses. Ela frappa à sa porte et attendit quelques secondes. Mereas avait dû aller enquêter sur le terrain. Ses connaissances du corps étaient précieuses.
Elle espérait néanmoins qu’il était rentré car elle avait besoin de ses soins et de sa clairvoyance. Elle avait l’impression d’avoir perdu la mémoire et cela la rendait folle. Elle ne pouvait avoir tué ces moutons, elle le savait. Abhorrant la violence et étant toujours douce, la jeune femme était incapable de faire du mal. Quelqu’un devait vouloir la voir tomber. Les complots n’étaient pas rares et beaucoup au village la détestait. Elle avait besoin de conseils et de calme.
Ela frappa deux coups et la porte s’ouvrit violemment, comme si elle était attendue. La peur laissa rapidement place à la joie quand elle vit que Mereas était enchanté de la voir. Il paraissait en pleine forme. Il la prit dans ses bras et s’assura qu’elle se portait bien en vérifiant son pouls, en lui pinçant les joues et en inspectant ses yeux. La jeune femme se mit à rire. La folie de son presque père lui avait manqué.