Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.

Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.
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Résumé :
Une mère regarde ses enfants qui s’amusent et rient. Pourtant, elle sait que ce bonheur affiché est feint. Elle aimerait les aider à aller mieux, mais elle ne peut pas. Tout lui échappe, sauf l’amour qu’elle ressent pour eux et pour leur père.
Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.
La puissance de l’amour
J’adorais les observer quand ils s’amusaient tous les trois. Leurs yeux pétillaient de malice, leurs rires emplissaient mon cœur et ils me communiquaient leur bonheur. À les voir jouer ainsi, personne ne pouvait penser que ces enfants vivaient des moments difficiles. Et pourtant…
Ma toute petite Lisa ne dormait plus la nuit, les monstres de ses cauchemars la réveillaient et l’obscurité l’étouffait. Ses cris m’affligeaient et je ne savais comment combattre ces démons, que les rayons des veilleuses n’atteignaient plus depuis longtemps. Ses draps trempés attestaient d’une angoisse folle, d’une peur panique, qui ne la quittait pas quand débutait la journée. Son état ne lui permettait plus de jouer du piano ou de se maintenir parmi les meilleurs de sa classe. Je souffrais avec elle et tentais de lui insuffler ma force. Sans succès…
Mon premier né, mon Léon, affichait un regard terne et posait des yeux désemparés sur chaque élément qui l’entourait. Sa joie de vivre l’avait abandonné, comme l’envie de poursuivre ses études ou de passer du temps avec ses amis. Il s’enfermait dans sa chambre et jouait aux jeux vidéo. Les pixels l’aidaient à s’évader vers d’autres univers, dans lesquels il incarnait irrémédiablement le héros, le défenseur des demoiselles en détresse ou le sauveur intrépide. J’essayais de lui faire partager mon amour de la vie et l’espoir d’accéder un jour au véritable bonheur. En vain…
Tout ce que j’entreprenais échouait lamentablement. Je méditais régulièrement pour trouver de nouvelles idées, perdue dans les brumes de mon esprit, testant tous les chemins possibles. Rien ne venait à bout de leur mal-être grandissant, de leurs journées fades et de leur humeur maussade. Je me sentais inutile, telle une mère indigne, qui ne savait s’occuper convenablement de ses petits. Avec le temps, ils s’étaient détachés de moi, bien que je ressentisse encore leur amour. Mes enfants avaient grandi trop vite et je les avais perdus pour toujours…
Je compris pourquoi. Les jours avaient passé et mon essence de fantôme n’avait plus autant d’emprise sur leur présent. Je me sentais m’évaporer alors que ma mission était loin d’être terminée. Les murs et les portes ne m’arrêtaient pas et les besoins primaires ne signifiaient plus rien pour moi. Mes yeux ne discernaient plus que du noir et du blanc, comme si les couleurs me fuyaient pour me rappeler que je n’avais pas droit à leur chaleur et tout ce qu’elles pouvaient offrir. Ma seconde existence avait commencé dans la douleur et se poursuivait dans la peine et le malheur. J’observais mes enfants jour et nuit, soucieuse de leurs besoins et de leur état. Mes larmes d’impuissance flottaient dans l’espace et s’éteignaient sans que personne n’en sut rien. Je vivais atrocement seule…
Ma maison pourtant si familière, avec ses jolies nappes à fleurs, son parquet verni, ses rideaux de dentelle et son odeur de jasmin, ne constituait plus qu’un tombeau morne, dans lequel mes enfants s’empêtraient chaque jour davantage. Vivre sans mère aimante ne pouvait signifier qu’exister à moitié, surtout quand leur père, si merveilleux, prenait autant soin d’eux. J’espérais qu’ils reprendraient le dessus et qu’ils évacueraient toute leur tristesse, leur colère, pour ne sauvegarder que l’amour qu’ils m’avaient porté et qu’ils éprouvaient encore à mon égard. J’avais peur de m’estomper en même temps que leurs souvenirs. J’espérais que mes anges ne m’oublient pas et qu’ils ne me remplacent jamais…
Quand rentrait leur père, la demeure reprenait du sens et les corps s’enflammaient. Lisa et Léon, pareils à deux lumières me guidant dans le noir, sautaient dans ses bras forts et l’embrassaient avec effusion. Je l’aimais tellement et me sentais brisée de ne plus pouvoir le sentir, ou le toucher. Mon âme sœur, mon jumeau, me manquait terriblement. Auparavant, nous étions une famille parfaite, un couple idéal, s’aimant plus que tout, et adorant nos enfants. Un drame s’était produit et avait tout gâché. Je lui avais pardonné…
Ils se chamaillaient tous les trois devant la télévision, sur un jeu de courses de voitures. Leurs rires me comblèrent.
– Et si nous déménagions ? proposa soudain Chris.
Non ! Je ne pouvais les laisser partir. J’étais liée à cette maison. Mon corps, enterré dans le jardin, me bloquait ici, et je ne pourrais plus jamais les voir. Non !
Chris leva les yeux au ciel, en fronçant les sourcils. M’avait-il entendue ? Je m’approchai de lui et lui chuchotai à l’oreille que je l’aimais. Je l’aimais toujours malgré ses coups, son autorité tyrannique et ses colères alcoolisées. Je l’aimais encore, même après qu’il m’ait tuée…