Le bal des Tulipe (Partie 9)

Catégorie :

Littérature sentimentale

Auteur :

Flora Lune

Résumé :

À force de lire « Siméon le papillon » à mon fils, j’ai moi aussi eu envie de créer mon propre bal des Tulipe(s)… 😉

Le bal des Tulipe (Partie 9)

Une voix le tira de ses réflexions.

– Mais entrez donc, Monsieur Guichard.

Mademoiselle Tulipe venait de le rejoindre. Son souffle était court et sa coiffure moins nette que d’habitude, mais elle semblait sûre d’elle. Devant ses hésitations, elle répéta :

– Entrez !

Méfiant, il s’exécuta, prenant bien garde à rester aussi discret que possible. Mais, sitôt franchi le seuil de la porte, une vive lumière l’aveugla, le forçant à plisser les yeux un instant, dans le même temps que des dizaines de voix retentissaient dans un immense brouhaha :

– Joyeux anniversaire Monsieur Guichard !
– Mais qu’est-ce que…

Le grand salon dans lequel il venait d’entrer arborait à chacun de ses murs de grandes banderoles en soie et des tresses de fleurs, mais ce ne fut pas ce qu’il remarqua en premier. En effet, il ne lui fallut pas longtemps pour reconnaître, face à lui, les visages rayonnants de toutes les occupantes du pensionnat âgées de plus de six ans, ainsi que le groupe de jeunes garçons qu’il avait rencontrés avec Mademoiselle Tulipe le dimanche précédent. Un peu en retrait, un vieil homme et une vieille dame encadraient les enfants. Son regard tomba sur Manaé, qui le gratifia d’un sourire victorieux et un rien provocateur. Le maître l’observa, stupéfait. Ainsi donc, tout cela n’était qu’une mise en scène ? Laure, Pauline, Théodora, et Chloé étaient également présentes. Cette dernière, rayonnante, se jeta dans ses bras, tandis que Théodora s’empressait de le rassurer :

– Ne vous inquiétez pas pour les pouponnes, la belle-sœur de Pauline s’en occupe pour le moment.
– Mais qu’est-ce que… Qu’est-ce que c’est que ça ?

Il s’écarta et tenta de reprendre ses esprits, mais le choc était tel que, pendant un instant, la tête lui tourna.

– À vrai dire, je vous dois des excuses, Monsieur Guichard, commença Mademoiselle Tulipe.
– Des excuses ? Comment ça ?
– Eh bien… Pour toutes les fois où vous m’avez fait part de vos inquiétudes, et où j’ai dû vous mentir. Vous aviez deviné juste, vos filles et mes garçons sont en contact depuis plusieurs semaines.
– Mais on n’a rien fait de mal, c’est promis ! s’exclama Isabelle avec précipitation.
– De plus, la faute est entièrement mienne, poursuivit Mademoiselle Tulipe. Au cours d’une messe à laquelle nous assistions, Tommy a eu… disons, un coup de foudre pour Manaé. Alors, il a cherché à la revoir en secret, et a entraîné ses camarades avec lui. Robert, Alexandre, Charles, Tommy, et tous les autres… Tous ont commis des délits mineurs, et je me suis engagée à les remettre dans le droit chemin pour leur éviter la pénitence. Alors, quand j’ai découvert ce qui se passait, j’ai d’abord cherché à leur interdire les sorties, mais mes parents – elle désigna les deux vieillards d’un geste de la main – m’ont fait comprendre que ce n’était pas la solution. Voilà donc quelque temps que nous choisissons un jour dans la semaine, jamais le même, pour faire venir les filles qui le souhaitent ici, dans la propriété de mes parents. Nous organisons des jeux, des soirées à thème… Pour que les jeunes puissent se retrouver tout en étant encadrés. Mais plus le temps passait, et plus on se demandait si on devait vous révéler la vérité, et comment… Ce sont finalement les filles qui ont eu l’idée de votre soirée d’anniversaire.
– Pour être sûres que je ne puisse pas me fâcher, n’est-ce pas ?

La situation lui procurait un étrange arrière-goût. D’un côté, il en voulait à Mademoiselle Tulipe d’avoir initié ses élèves à des activités qu’il désapprouvait, et ce, alors qu’il avait confiance en elle. D’un autre côté, il apparaissait comme clair que la jeune femme avait su gérer à merveille la mixité que lui-même craignait tant pour ses protégées. Enfin, même si tout cela avait été organisé dans un but précis, cette marque d’attention venant des filles l’émouvait au plus haut point. D’ordinaire, Laure confectionnait un gros gâteau avec les ingrédients disponibles, et ils le dégustaient tous ensemble à l’heure du goûter.

– On est désolées, Monsieur Guichard, fit Manaé en s’avançant vers lui. On savait que vous nous puniriez si vous l’appreniez, alors…
– Eh bien, eh bien, fit-il en secouant la tête. Je suppose que je suis trop vieux et dépassé pour comprendre les préoccupations des jeunes filles d’aujourd’hui, hein ?
– C’est exactement ce que je leur disais ! s’exclama Monsieur Tulipe.

À compter de ce jour, la famille Tulipe convia Monsieur Guichard et ses filles un à deux soirs par semaine dans le grand manoir, et parfois, aussi, à l’occasion d’un déjeuner dominical. Les petites étaient plus que ravies de leurs nouvelles fréquentations, et Monsieur Guichard, bien qu’il ne les approuvât guère au début, dut bien avouer que leur moral, leur comportement, ainsi que leur assiduité en classe ne s’en trouvaient qu’améliorés. Et, sans surprise, lui aussi se rendit vite compte qu’il attendait impatiemment chacun de ces moments partagés avec la charmante Amélia Tulipe…

FIN

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