Avertissement : déconseillé aux moins de 12 ans.
Avertissement : déconseillé aux moins de 12 ans.
Catégorie : Horreur/Paranormal
Auteur : Chiaramarino
Résumé : Quand le personnage de Dracula se rebelle contre son auteur…
Le conte se rebiffe (Partie 3)
Florence, Noël,
Il faut que vous avertisse. Savez-vous ce qu’il s’est réellement passé, le soir du 20 avril ? Vous m’avez trouvé dans une mare de sang, j’imagine. Je ne devine rien dans cette maison, où je ne vois que des tentures noires. Mais je suis toujours là. Je viens de reconstituer l’histoire.
Je ne peux vous approcher sans être tenté par votre sang, votre vie. Mais la vie d’un vampire n’est pas celle d’un homme. La vie d’un livre, peut-être. Mais à présent, pour ce qui est du livre, c’est trop tard. Par contre, vous pouvez me sauver.
Allez au cimetière, enfoncez-moi un pieu dans le cœur, coupez-moi la tête mais, le plus important, brûlez mes restes. Sinon, vous aussi serez en danger de mort. Tant que je serai dans cet état, je ne pourrai vous protéger, pas même de moi-même, de mes propres griffes. Aussi je vous écris, cette nuit, et je laisse cette missive de façon à ce que vous la voyiez.
Il y a aussi un autre feuillet, sur le petit bureau, racontant ce qui s’est passé.
Je vous en supplie, écoutez-moi. Les vampires existent, parce que nous les avons imaginés. Les Transylvains les ont imaginés, et certainement aussi d’autres peuplades. Je sais mieux que personne comment s’en prémunir. Agissez comme je vous le dis. Et faites-le de jour. Si cela n’est pas accompli, et promptement, la famille Stoker ne s’en relèvera pas ! De jour, vous ne craindrez rien.
Comprenez-moi bien : il faut contrecarrer les projets du comte Dracula. La guerre couve dans les Balkans, et je le crois capable de tout. Faites-moi trouver le repos éternel et, si vous le croisez, faites-en autant avec lui… Faites de lui un personnage de roman, rien de plus.
Je vous embrasse, oh ! si fort depuis l’Au-delà. J’aurais aimé vous serrer sur mon cœur avant de disparaître, chère femme, cher fils.
Yours eternally,
B.S.
Quand j’eus enfin compris ce qu’il s’était réellement passé, à la mort de mon mari, j’ai d’abord cru devenir folle. Cette lettre, datée du vingt-quatre, et signée de mon Bram, après sa mort ! J’ai dû la lire et la relire plusieurs fois, et mon fils aussi.
Noël m’a dit : « Nous nous battrons pour le repos éternel de Père. Si tu n’en as pas le courage, je le ferai, moi. » Et il y est allé !
Tremblante, je l’ai suivi au cimetière, dès le lendemain. Noël avait trouvé le nécessaire pour la besogne que son père nous avait assignée. Nous avons donc ouvert sa tombe. Ses yeux étaient fermés, son visage, blême sous sa barbe. Le seul indice prouvant ce qu’il était devenu était ses lèvres rouge carmin, sous la pression de canines plus longues qu’auparavant. Pour le reste, tout était normal.
– Ne regarde pas, Mère. Déplace seulement la veste, que j’atteigne le cœur plus sûrement.
Je m’exécutai, puis détournai la tête. J’entendis ensuite deux grands cris : un venu des profondeurs de l’Enfer ; l’autre, celui de Noël à la vue du sang de son père. Pour autant, il n’a pas flanché, et ça a même été vite.
J’ai perçu que quelque chose était en train de rouler, et Noël a encore poussé un hurlement. En me retournant, j’ai cru m’évanouir. La vision était atroce. Mais j’ai mis la tête de mon mari dans un panier, et l’ai recouverte d’un linge. De son côté, Noël a enveloppé le reste du corps dans le linceul, puis nous avons vidé les lieux le plus rapidement possible.
J’écris ceci devant la cheminée, après une incinération pénible. Personne ne nous croyait. La lettre datée après la mort de Bram, et signée par lui, a finalement eu force de preuve. Mais quelle épreuve ! Pour ce que ce roman de mon mari nous a coûté, je veux œuvrer à son renom.
Quant au comte Dracula lui-même, nous ne l’avons pas croisé, grâce à Dieu ! et je ne veux plus entendre parler de cet individu. Mais, par-delà les années, les siècles peut-être, je souhaite que le nom de mon mari soit reconnu, associé à cette œuvre majeure. Pour moi, étant donné ce qu’il s’est passé, la littérature ne sera jamais plus comme avant. Et, pour toujours, je vous en supplie, chers lecteurs, finissez de lire ce genre de romans ! Grâce aux écrits que mon mari m’a laissés, j’ai pu conclure cette histoire, et vous la livre. En attendant une future reconnaissance, fasse le Ciel que ça se calme dans les Balkans…
Florence Stoker.