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Chercher à améliorer encore et encore…
Les avaleurs (Partie 1)
– Vous ne m’écoutez pas, ça fait dix fois que je recommence mon histoire.
– Je ne veux pas entendre vos salades, vous mentez !
– Comment osez-vous me traiter de menteur ?
– Parce que tu n’es rien qu’un simple petit rigolo qui brasse de l’air !
– Ah vous me tutoyez maintenant ?
– Oui je tutoie les gens que j’aime et ceux que je méprise. Ceux qui m’indiffèrent je les vouvoie. Tu sais dans quelle catégorie je te place ?
Charles essayant d’exprimer son point de vue, se tait, s’arrête net, dans l’impossibilité de se repérer devant ce fatras de préjugés que lui lance en pleine figure, Didier, son beau-père.
Celui-ci n’a jamais apprécié son gendre. Il aurait voulu que sa fille, Marion, épouse Hector, le fils du notaire Durion, médecin généraliste, au lieu de ce gringalet qui se prend pour qui ?
Or ce gringalet est l’architecte écolo le plus en vue de la région nantaise. Il construit de nombreux immeubles dans la périphérie proche de la ville, avec murs végétaux pour apporter de l’oxygène à l’environnement bétonné. Il a bataillé pour imposer sa façon de voir la construction afin que les cités ne soient pas des mouroirs de pollution. Son principal détracteur est son beau-père, qui refuse cette évolution et joue contre lui au conseil municipal.
Marion, dermatologue, voit beaucoup de maladies de peau dues à cette pollution et aux médicaments. Elle encourage son mari dans la voie qu’il a choisie, le pousse à poursuivre son engagement malgré les cris de son père qui débarque sans cesse chez eux, à l’improviste, pour vociférer et convaincre sa fille du contraire.
Marion est une fille calme, posée qui laisse son père cracher son venin.
– Tu as fini papa, car je n’ai pas envie de t’entendre, ni de te voir dans cet état.
– Marion, tu ne comprends pas que Charles bousille nos constructions qui coûtent les yeux de la tête en matériaux, main-d’oeuvre et entretien.
– Je crois que tu ne regardes que ton petit ego, car moi je suis au fait des problèmes de santé de la population. Nous ne sommes plus au Moyen-Âge. En deux-mil-soixante-cinq, il te faut évoluer, grandir, arrêter de regarder les choses par le petit bout de la lorgnette. L’air est devenu irrespirable.
– C’est toi qui ne comprends pas, les finances ne tombent pas du ciel !
– L’argent, toujours l’argent. Eh bien si, je crois toujours en une phrase que maman me glissait régulièrement : « Aide-toi, le ciel t’aidera. ».
– Utopie tout ça !
– Toi et votre clique, vous vous battez toujours contre ce qui est bon et qui peut nettoyer la planète.
– Bon, ça veut dire quoi ? Vous voulez toujours tout changer, vous, les jeunes !
– Et vous les vieux, finalement vous vous battez contre des moulins à vent.
– Ah en parlant de vent… Je t’interdis d’utiliser le terrain là haut, le terrain de ta mère, pour votre projet. D’ailleurs à quoi va servir ce hangar ?
– Tu n’as rien à m’interdire. Je vais te demander de me laisser, j’ai à faire, dit-elle avec douceur en lui faisant un bisou sur la joue droite alors que sa main ouvre la porte l’invitant à quitter les lieux.
Elle ne veut pas aller plus loin dans la discussion stérile avec son père. Le projet de Charles n’a pas été simple à réaliser pour rajouter du stress inutile.
Elle se prépare à recevoir ses patients dont une petite fille difficile à soigner. Sa peau est gangrenée par l’air dont elle est allergique. Devant ces évidences, la colère de son père ne l’atteint plus.
Charles rentre chez lui rapidement après avoir rangé son vélo électrique qu’il utilise quotidiennement quand le temps le permet.
Durant les saisons froides, s’il doit se déplacer plus loin, il emprunte une des voitures électriques de quartier qu’il a retenu deux ou trois jours plus tôt. Une voiture est mise à disposition en moyenne pour trois familles avec des parkings partagés, le tout tenu par Green Business qui présente un bon bilan carbone. Ce système a diminué la pollution de quinze pourcents sur la dernière année. Le covoiturage est conseillé et rapporte des points convertissables en bons pour scooters électriques mis à disposition dans chaque ville et village.
– Bonjour ma Chérie, voici les documents.
Il embrasse Marion qui vient d’ouvrir la porte de son cabinet. Elle travaille à domicile. Il lui tend la tablette pour qu’elle puisse lire les documents avant d’y apposer sa signature électronique à côté de la sienne. Ils se regardent dans un air de connivence, se sourient fiers de ce qu’ils vont mettre en place. La vie avance et les innovations écologiques ne peuvent plus attendre. Ils doivent se battre pour la nature et les êtres humains, pour leurs enfants et descendants.
Pour l’instant ils sont seuls, tous les deux. Pour concevoir un enfant ils doivent d’abord se sentir prêts, plus en sécurité dans cette jungle polluée. Ils l’envisagent pour dans trois à cinq ans. Pour l’heure, ils attendent leur grosse livraison.