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Résumé :
Les gens de la ville ont peur des enfants. C’est pourquoi ces derniers vivent dans des pensionnats clos jusqu’à leur maturité.
Les douze élèves sélectionnés en classe de dernière année sont isolés du reste des enfants, puis présentés à quatre professeurs, chargés de les préparer à des vérités volontairement cachées. Ils suivent les cours sous une surveillance armée. Apprennent l’histoire de NASYA, leur monde ; la raison pour laquelle un dôme l’enveloppe entièrement. Étudient leurs rêves – ébauches de vies antérieures – à partir de perles conçues durant leur sommeil.
Les Perles de Nasya (Partie 13)
La porte d’entrée était une immense dalle de roche coulissante. Un homme armé à la constitution vigoureuse était posté devant et se chargea de l’ouvrir à la demande du directeur. Il poussa de tout son poids sur la poignée.
En pénétrant à l’intérieur, le sol blanc laqué parfaitement entretenu rendait l’endroit moins glauque qu’il ne paraissait de l’extérieur. Le mobilier était réduit à son strict minimum, de sorte que le regard filait rapidement au centre du grand hall où trônait un miroir, le plus haut et le plus large jamais vu. Il reposait au sommet de deux escaliers courbés comptant chacun une douzaine de marches. Derrière le grand miroir, toute la façade était vitrée ; elle nourrissait de lumière les tableaux accrochés aux murs représentant d’anciennes photos de classe.
À travers cette baie vitrée – d’une verticalité prodigieuse –, Lim Ledah et ses camarades apercevaient la ronde des hommes armés qui les surveillaient déjà.
– Bien, dit le Directeur Gidlant en tendant une main devant lui, voici le grand miroir. Il dessert les six chambres réservées aux élèves de dernière année.
Quatre salles de cours étaient directement accessibles depuis le hall et il fallait que les professeurs les traversent pour regagner leurs chambres personnelles par de simples portes à l’ancienne. Quant au Directeur et au surveillant Navaron, ils logeaient dans le bâtiment central du pensionnat.
– Comme je ne suis pas d’humeur, poursuivit Gidlant, je vous laisse choisir vos chambres. Les codes sont sur vos tablettes. Je vous conseille d’activer le verrouillage automatique de vos miroirs, on ne sait jamais qui peut entrer dans votre chambre.
Sun Abi croisa le regard de Shaellah.
– Encore une chose. Voyez-vous le couloir qui s’ouvre au fond, après la dernière série de tableaux ? En réalité il débouche sur bien d’autres ; vous seriez capables de vous perdre. Ici on l’appelle le Dédale. On l’utilisait avant la technologie des miroirs ; désormais, les pièces qu’il dessert sont exclusivement réservées au personnel.
Suite à quoi, il salua les professeurs et partit avec Monsieur Navaron en lui poussant le coude.
Monsieur Brun, l’un des deux professeurs d’histoire-géographie, sourit aux élèves pour annoncer sa prise de parole.
– Chers élèves, prenez votre temps pour vous installer. Je vous donne rendez-vous dans une heure pour votre premier cours.
D’abord hésitant, chacun déploya leurs tablettes pour découvrir les codes des chambres.
Précieuse emboîta le pas de Connrad et Simon après que ceux-ci aient disparu derrière le grand miroir. Les sœurs Cervantes montèrent les escaliers au trot pour rattraper leur amie.
– Non, non, non, les filles, s’exclama Mademoiselle Losada. Il n’y a que deux lits par chambre, alors ne vous y installez pas à trois.
– Mais Madame… se plaignirent les sœurs.
– Mademoiselle, rectifia-t-elle. Et pas de négociation, ça vaut pour tout le monde. Vous pourrez partager la même chambre pendant le temps libre si vous le désirez, mais chacun retournera dans son lit avant que le jour s’estompe.
Précieuse semblait ennuyée par cette décision, elle n’aurait pas le privilège de ses suivantes. Sachant obstinément qu’elle ne saurait séparer le tandem des sœurs Cervantes, elle les laissa choisir un code. Les sœurs s’approchèrent du grand miroir comme s’il était menaçant puis appuyèrent sur les chiffres tactiles, se prirent la main et s’élancèrent à travers le miroir.
Précieuse redescendit les marches d’un air légèrement abattu, faisant tourner mélancoliquement son ombrelle pointée vers le sol.
Lim Ledah et Sun Abi s’échangèrent un regard. On y va ?
En traversant le grand miroir, ils découvrirent un espace bien plus grand que leur chambre à l’aile ouest du pensionnat ; rien à voir. Sur tout le côté du mur le plus long était flanquée une bande de verre très épais, ne laissant passer ni le bruit du souffle du vent – qui tordait en ce moment le feuillage des arbres – ni les voix des deux hommes armés discutant le dos appuyé contre cette fenêtre panoramique.
– C’est censé être normal ? dit Sun Abi en désignant les gardes.
Lim Ledah s’approcha de la fenêtre, tapota plusieurs fois d’un revers de doigt.
– Tu crois qu’ils nous voient ? demanda Lim à cause de leur absence de réaction.
– Même si ce n’est pas le cas, c’est perturbant…