Les perles de Nasya (Partie 17)

Les perles de Nasya

Catégorie : 

Fantastique/Merveilleux

Auteur : 

Lim

Résumé :

Les gens de la ville ont peur des enfants. C’est pourquoi ces derniers vivent dans des pensionnats clos jusqu’à leur maturité.
Les douze élèves sélectionnés en classe de dernière année sont isolés du reste des enfants, puis présentés à quatre professeurs, chargés de les préparer à des vérités volontairement cachées. Ils suivent les cours sous une surveillance armée. Apprennent l’histoire de NASYA, leur monde ; la raison pour laquelle un dôme l’enveloppe entièrement. Étudient leurs rêves – ébauches de vies antérieures – à partir de perles conçues durant leur sommeil.

Les Perles de Nasya (Partie 17)

Voilà l’origine de ce dôme intégral ; le roi Volcis n’a pas voulu sombrer dans la résignation et a entrepris ce projet fou, dans l’espoir que son peuple survivrait au passage du Chéol.
Monsieur Brun laissa le temps aux élèves de prendre des notes, c’était une question très importante et une réponse dense qu’il fallait accueillir dans sa tête sans se perdre dans la multitude d’autres questions qu’elle engendrait.
D’un regard circulaire, le professeur observait l’impact de ce premier grand enseignement sur les attitudes des élèves. Comme prévu, certains prenaient l’histoire comme une fable, prenant des notes pour ne pas paraître impolis. D’autres étaient viscéralement terrorisés, comme si le vide des vérités cachées se comblait un peu, douloureusement. Ils ressentaient cette vérité comme la résurgence d’un vrai souvenir.
Les élèves accusaient le coup à leur façon, intimement. Pour un psychologue diplomate, Monsieur Brun plongeait drôlement dans le vif du sujet.
Lim Ledah repensa à cette longue réponse du professeur, dans l’ordre et sans perdre le moindre détail ; il traça plusieurs lignes droites sur sa tablette. Puis il détacha le stylo de sa peau, le posa sur le pupitre et laissa l’encre s’écouler de façon à former les lettres et les phrases qu’il avait pensées très fort.
– Bien. Voilà qui tombe à merveille, une autre question légère et hors de propos. C’est une bonne chose de ne pas enchaîner les sujets lourds. Une petite pause de légèreté repose l’esprit. Donc je la lis : « Avez-vous déjà essayé de… » pécho ? C’est bien ça ? De « pécho Mademoiselle Losada ».
Jugeant les ricanements dans la classe, Monsieur Brun se doutait que le sens du mot qui lui échappait devait concerner les hormones des adolescents. Il leur certifia qu’il n’avait jamais pensé à séduire cette femme tout en les remerciant de lui en avoir donné la bonne idée.
– « Sur quel événement symbolique se base la première génération de notre calendrier ? » Intéressant. Eh bien cela va me permettre de vous raconter la suite de l’Histoire avec un grand H.
Monsieur Brun prit une inspiration tellement longue que les élèves eurent le temps de connecter leurs stylos dans la partie molle de la peau entre le pouce et l’index, s’apprêtant à subir un nouvel assaut de vérité.
– L’arrivée du Chéol avait été estimée. Alors, que s’était-il passé trois générations après la construction du dôme intégral de carbyne ? Rien. Absolument rien ! Le roi Connrad, successeur du roi Volcis…
Les regards se tournèrent vers le poing triomphant de leur camarade du même nom.
– … avait été aussi étonné que vous. Enfin, je suppose. Le peuple de NASYA s’était préparé à de violentes secousses, dans le plus heureux des cas. La peur leur faisait imaginer les dents gigantesques du Chéol broyant le pauvre dôme de carbyne aussi aisément que la coquille d’un œuf.
Mais rien ne s’était passé, pas l’ombre d’une menace. Impossible, criaient les scientifiques. Le peuple priait qu’on le libère des plaques de carbyne, car il n’arrivait pas à s’adapter à la vie sans soleil. Le roi Connrad décida d’attendre encore quelques années, par principe de précaution.
Permettez-moi une parenthèse : nous sommes aujourd’hui à la dix-huitième année de la trente-huitième génération. Vous n’êtes pas sans savoir que trente années constituent une génération. Je suis donc en train de vous raconter des faits se déroulant mille cent cinquante-huit ans en arrière ! Rendez-vous compte, c’est vertigineux. Hum, reprenons.
– Quelques années après qu’il ne se soit rien passé, une grande partie du peuple continuait à s’indigner de leur condition. Le cloisonnement de NASYA avait fait de leur vie le spectacle d’une lente descente vers le dénuement. Le soleil n’était plus là pour dorer la terre, faire pousser les végétaux ; la lumière artificielle de l’époque ne remplissait pas son œuvre. L’organisme des hommes et des animaux avait aussi du mal à s’adapter à l’air qui se renouvelait mal. Bref, les plus démunis attendaient la mort, mais certains n’en avaient pas la patience. Une révolte éclata. Le peuple assiégea la Tour Royale, scandant des « mort au roi Connrad, l’assassin ». Ce dernier n’avait fait que succéder au roi Volcis, et il s’efforçait d’améliorer les conditions de vie. Cette violence à son encontre le blessa, alors il décida de venir à la rencontre du peuple, même si sa tour de carbyne lui promettait de ne jamais céder à l’intrusion d’hommes en colère. Sur la terrasse du deuxième étage, il lança fortement et distinctement une phrase qui avait imposé le silence. Il avait dit : « Qu’un homme parmi vous m’accompagne en haut de la tour. Nous allons enlever une plaque de carbyne et accepter notre sort. »

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