Les Perles de Nasya (Partie 30)

Les perles de Nasya

Catégorie : 

Fantastique/Merveilleux

Auteur : 

Lim

Résumé :

Les gens de la ville ont peur des enfants. C’est pourquoi ces derniers vivent dans des pensionnats clos jusqu’à leur maturité.
Les douze élèves sélectionnés en classe de dernière année sont isolés du reste des enfants, puis présentés à quatre professeurs, chargés de les préparer à des vérités volontairement cachées. Ils suivent les cours sous une surveillance armée. Apprennent l’histoire de NASYA, leur monde ; la raison pour laquelle un dôme l’enveloppe entièrement. Étudient leurs rêves – ébauches de vies antérieures – à partir de perles conçues durant leur sommeil.

Les Perles de Nasya (Partie 30)

Mademoiselle Losada était dubitative.
– Bien sûr, ce serait gratifiant pour moi d’enseigner à un roi et à une élue du Chaddaï, mais il faut rester pragmatique ; les signes sont moins évidents qu’avec Connrad. Je m’explique : le rêve ne se focalise pas sur un seul personnage, il saute de point de vue en point de vue. La seule chose que j’accorderais est la ressemblance de couleur de cheveux. Hormis cela, Mademoiselle Shaellah, vous pouvez très bien avoir été l’un de ses chasseurs blancs comme le pourchassé.
Des rires perfides soulignèrent la pire hypothèse.
Mademoiselle Losada avait bien remarqué que Shaellah s’était offusquée de son commentaire ; elle avait rapidement regagné son pupitre.
– Admettons, Mademoiselle Shaellah, que vous soyez qui vous prétendez : avez-vous des prédispositions à la magie de feu ?
Après une longue réflexion – passant pour un état de vexation puéril – Shaellah répondit par la négative.
– Voici un conseil valable pour tous, continua la professeure. Lorsque vous vous coucherez, appelez votre rêve tout en ayant conscience que c’est votre perle d’âme, loin de vous, qui vous l’envoie ; concentrez-vous intensément à cette idée. Et pour éviter les changements de point de vue, ajoutez à votre force de pensée le désir de vous voir seul en scène.
– Monsieur Sarrail ?
Le jeune Sarrail tira sa chaise, plongea la main dans sa sacoche et en sortit une perle rouge. Il s’excusa par avance de son contenu, prétextant que la majorité de ses rêves étaient ainsi constitués.

L’angle de vue était subjectif, on voyait à travers les yeux du personnage qui était un adulte au vu de sa taille. Ses avant-bras recouverts de manches et ses mains de gants entraient parfois dans le champ. L’endroit était reconnaissable : c’était le pensionnat de la région Épargnée, devant le grand portail en fer forgé. Le protagoniste enfourcha un véhicule deux-roues du même modèle que celui de Sarrail – avec lequel il était revenu de vacances – et roula sur le chemin sinueux, puis sur une route, à plus vive allure, et emprunta régulièrement des sentiers forestiers.

Mademoiselle Losada avança la lecture du rêve, aussi interminable que le chemin parcouru jusqu’à un village isolé dans le désert du sud.
Elle ne voulait pas se contredire si tôt sur le fait de pouvoir retirer du rêve le plus banal une piste à creuser dans la recherche de son identité. Il n’y avait dans cette longue promenade aucun signe à exploiter : le protagoniste n’avait croisé personne, et lui-même n’avait de visage. Elle se devait d’amener son expertise, comme aux autres, d’exprimer une remarque, un conseil. C’est pourquoi elle lui demanda d’effectuer des recherches afin d’identifier le village du désert ; pourquoi ne pas en parler avec Monsieur Brun ?
– Mademoiselle Sue ?
– Mademoiselle Losada, je n’ai fait qu’un rêve cette nuit… Je n’ai pas pu choisir. Je… préférerais passer mon tour si c’est possible.
– Allons, ne vous faites pas plus timide. C’est un bon exercice pour vous.
Sue se rapprocha de la professeure en souhaitant que le projecteur refuse catégoriquement de lire sa perle de rêve. Elle n’avait jamais pris l’habitude de l’humiliation, vivait chaque honte comme si c’était la première.
Son visage vira à l’écarlate. Elle détourna le regard vers l’entrée de la classe, qui signifiait pour elle la seule échappatoire. Même dos au mur, sa sournoise timidité l’empêchait de prendre la poudre d’escampette. Comme elle n’osait rien, elle subit la projection, réfléchissant par avance à comment se justifier, sans réussir à assembler le moindre argument.

C’était dans un lieu de débauche, là où viennent des hommes et des femmes de tout horizon social pour boire à l’excès, profiter de spectacles affriolants, voire se taper entre amis. Quand les clients de cet endroit ne savaient plus comment fuir leurs démons, ils venaient là, et repartaient avec une sensation de légèreté. Le bruit mélangé des verres, des chaises, des discours enflammés, rendait sourd, mais il semblait qu’un morceau de musique eut le don d’attendrir le monde. Les têtes se tournèrent vers la scène de spectacle et une femme entièrement nue chantait sur la musique. Ses longs cheveux bruns tombaient devant elle, dissimulant ses seins et son sexe. Elle fit le tour de la scène en prenant à partie certains clients, qui ont eu la chance de voir de près le galbe de ses fesses et d’être autorisés à passer la main sous ses cheveux.
À la fin de la chanson, et avant que reprenne le chahut ambiant, elle signa sa performance du nom de Sue.

En réaction, il y eut des « wahou », des sifflements et des applaudissements pour les plus exubérants de la classe. Beaucoup de contenance et de circonspection pour les plus empathiques.

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