Les Perles de Nasya (Partie 32)

Les perles de Nasya

Catégorie : 

Fantastique/Merveilleux

Auteur : 

Lim

Résumé :

Les gens de la ville ont peur des enfants. C’est pourquoi ces derniers vivent dans des pensionnats clos jusqu’à leur maturité.
Les douze élèves sélectionnés en classe de dernière année sont isolés du reste des enfants, puis présentés à quatre professeurs, chargés de les préparer à des vérités volontairement cachées. Ils suivent les cours sous une surveillance armée. Apprennent l’histoire de NASYA, leur monde ; la raison pour laquelle un dôme l’enveloppe entièrement. Étudient leurs rêves – ébauches de vies antérieures – à partir de perles conçues durant leur sommeil.

Les Perles de Nasya (Partie 32)

Elle était vieille, brossait ses cheveux blancs avec application ; ils semblaient forts, témoignant de la vigueur qui l’habitait encore. Elle souriait à son miroir à mesure que le travail de sa chevelure l’embellissait. Elle sortit de la salle de bain, légèrement maquillée pour rappeler à son mari la fraîcheur de son teint d’antan. Ce dernier, lui aussi soigneusement coiffé et élégamment habillé, l’attendait couché sur le lit de la chambre. Esclave d’une vision déficiente, les artifices de sa femme faisaient leur effet ; il devait faire preuve de peu d’imagination pour la voir comme avant. Puis, plus elle se rapprochait – d’une lenteur non étudiée –, plus ses rides apparaissaient, et plus l’homme souriait. Cela transpirait l’amour d’une vie : les cœurs à l’unisson, vibrants au moindre geste de sa moitié.
La vieille femme s’allongea auprès de son mari et, avant de se donner tous deux la mort en s’empoisonnant, ils discutèrent comme un couple d’adolescents, imaginant les nombreux projets de vie qu’ils partageraient ensemble.
Tout d’abord à leur majorité, leurs perles d’âmour – comme ils aimaient dire – rappelleraient leurs souvenirs. Et comme d’habitude, ils se retrouveraient au même endroit, au centre de la région Épargnée, dans un petit village tranquille à la campagne où ils avaient construit leur maison et planté un arbre aujourd’hui tricentenaire.
Ils s’amusaient à projeter des choses qu’ils ne feraient sûrement jamais, car le genre de vie qu’ils avaient partagé depuis la première fois les comblait amplement. Ils revivraient donc probablement la même vie, la considérant comme parfaite à leurs yeux.

Dès le départ, des rires prouvaient que l’on n’arrivait pas à imaginer Ella comme cela. En l’occurrence, ce n’était pas en rapport avec son caractère doux et coquet, mais avec son apparence physique. Une moquerie avait été exprimée, la comparant à une Précieuse décrépie. La dénommée s’était doucement indignée. Ella jeta un regard noir vers tous les pupitres.
Mademoiselle Losada tardait volontairement à raviver la luminosité de la bande vitrée pour avoir le temps d’écraser ses larmes. Elle remarqua que toutes les filles sans exception avaient les yeux humides et se trouva stupide de dissimuler son émotion.
– C’était très beau, avoua-t-elle.
Elle souriait en pensant tendrement que Ella n’avait plus beaucoup de temps à attendre avant de rejoindre l’homme de sa vie. Elle en oublia ses remarques et conseils d’exercices et invita Olivan à venir près du projecteur. Ce dernier passa entre les pupitres en exagérant sa prudence ; il ne voulait pas que sa maladresse naturelle vienne entacher ce moment. En quelque sorte, comme Ella, il avait choisi une perle, une perle jaune – avec laquelle il pourra s’offrir un repas digne de ce nom – qui le présentait sous un caractère différent.

Dans cette vie – il avait le double de son âge actuel –, il était viril : musculeux, la barbe de quelques jours, de la poussière sur sa peau transpirante. Il se cachait, accroupi, alerte, derrière une malformation rocheuse comme il y en avait par centaines dans la région Dévastée.
L’apparition d’un grand véhicule de transport combla l’attente de l’homme. À l’intérieur, une vingtaine de touristes, venus découvrir l’étrangeté de la topographie et le frisson de la région des trois fardeaux, disait-on pour désigner les pauvres, les voleurs et les Sylhums. Ces derniers avaient une particularité suffisamment étrange pour douter de leur humanité.
L’homme plaqua son dos contre la roche difforme et ciselée ; ses vêtements en lambeaux et ses cicatrices indiquaient la banalité du sang perlant le long de son dos. Cela n’avait pas l’air de le préoccuper, contrairement au convoi de touristes en approche. Sa respiration se fit plus rapide puis calme ; il répéta cela plusieurs fois, un genre de rituel pour faire monter l’adrénaline.
Quand les cris des touristes lui parvinrent, il sortit de sa cachette en faisant s’élever la terre poussiéreuse. Brandissant une arme contondante fabriquée de ses mains, l’homme combattit le groupe de voleurs qui était à l’œuvre. Il était manifestement aguerri, rapide malgré le volume de ses muscles ; il dispersa les voleurs après avoir assommé plusieurs d’entre eux. Il monta dans le véhicule de transport pour s’assurer que le monde allait bien. Les passagers devaient venir de la région Écornée, résidence privilégiée des riches, à cause de leurs tenues bourgeoises et de leur attitude contenue même dans la peur, agrippés à leurs affaires. L’homme leur adressa une phrase qu’il espérait faire résonner dans leurs esprits : « Voyez qu’il n’y a pas que des gens de mal ici ».

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