Les perles de Nasya (Partie 8)

Les perles de Nasya

Catégorie : 

Fantastique/Merveilleux

Auteur : 

Lim

Résumé : Les gens de la ville ont peur des enfants. C’est pourquoi ces derniers vivent dans des pensionnats clos jusqu’à leur maturité.
Les douze élèves sélectionnés en classe de dernière année sont isolés du reste des enfants, puis présentés à quatre professeurs, chargés de les préparer à des vérités volontairement cachées. Ils suivent les cours sous une surveillance armée. Apprennent l’histoire de NASYA, leur monde ; la raison pour laquelle un dôme l’enveloppe entièrement. Étudient leurs rêves – ébauches de vies antérieures – à partir de perles conçues durant leur sommeil.

Les Perles de Nasya (Partie 8)

Sun Abi avait pris quatre-vingts perles marron dans sa sacoche de cuir en bandoulière. Lim Ledah aussi avait la même sacoche sur lui, mais ce n’était que pour les apparences : elle était vide.
Discrètement, Sun Abi lui glissa quarante perles dans sa sacoche avant de régler leurs achats à la caisse. Moitié-moitié, comme toujours.
Sun Abi devait payer pour deux puisque Lim Ledah n’avait jamais rêvé. Pas une seule perle de rêve en dix-sept ans.
Pas une seule.
Lui-même admettait que c’était loin d’être normal ; il ne savait pas ce qu’il en était à l’extérieur du pensionnat, mais jamais il n’avait connu un enfant sans rêve comme lui.

Pourtant il avait tout tenté avant de jeter son Karm. Par exemple, chaque soir durant une longue période, il s’endormait en se priant lui-même de rêver. Son seul rêve était conscient : celui de voir au petit matin une perle fraîchement créée par son Karm. Longtemps il pensa que la machine était le problème, non lui-même.
Lim Ledah s’était retrouvé bien bête quand il apprit à six ans comment s’acheter lui-même ses fournitures scolaires. Plusieurs fois il avait voulu partir de la boutique, si cette histoire de malédiction ne l’en avait dissuadé. Puis il croisa pour la première fois Sun Abi, lui aussi capuche bleue ; un lien d’amitié s’était immédiatement imposé, comme si le destin avait décidé pour eux, pour leur bien. Lim Ledah avait livré en tout sentiment de confiance l’embarras dans lequel il se trouvait. Sun Abi lui avait aussitôt donné la moitié de ses perles de rêve marron pour qu’il puisse acheter le strict nécessaire.
C’est donc Sun Abi qui payait les vêtements, la cantine et les rares sorties scolaires. Il payait tout en double. Heureusement qu’il faisait plusieurs rêves par nuit ; cela lui coûtait une lourde fatigue qu’il traînait immanquablement tous les matins. Son Karm était modifié pour qu’il puisse en accueillir beaucoup plus que le modèle standard. Ses parents, qui étaient eux-mêmes très prolifiques en perles de rêve, ne cessaient de lui dire : « Économise-les pour ta vie d’adulte ! ». Il les rassurait par un mensonge, préférant garder une amitié.

Monsieur Navaron installa un pupitre au centre de la cour, dont la base à roulettes lui permettait de se tenir dans une position surélevée. Il attendit que les enfants se regroupent dans un alignement bien précis. Se racla la gorge avant de commencer son discours de rentrée.
– Allons, allons. Pressons. Monsieur Olivan, que cherchez-vous encore ?
Tous les ans c’était la même histoire, Olivan oubliait de faire les choses en temps et en heure, et se retrouvait toujours à faire du troc de dernière minute. Il avait une grande difficulté à gérer ses perles de rêve, qu’il échangeait le plus souvent contre des friandises.
– Je cherche à échanger mon veston à capuche rouge contre un à capuche dorée, dit Olivan avec une certaine détresse dans la voix.
– Vous êtes bien conscient que ceux qui n’ont plus besoin de leurs vestons à capuche dorée ne sont plus des pensionnaires ? Allez, allez, mettez-vous avec les capuches rouges.
Une âme charitable accepta de se préoccuper de son sort. C’était Sarrail, le jeune garçon de treize ans qui était arrivé en conduisant un vieux deux-roues. Sarrail donna à Olivan le veston à capuche dorée qu’il portait sur lui, sans mot dire.
– Bienvenue à tous… commença le surveillant Navaron.
– Merci, chuchota Olivan qui rejoignit Sarrail dans les rangs des capuches dorées. N’en as-tu pas besoin ?

Sarrail haussa les épaules, puis revêtit le veston d’Olivan après avoir déchiré la capuche rouge.
– … j’espère que vous avez passé de bonnes vacances, ici ou avec vos familles. À partir d’aujourd’hui, les portes du pensionnat sont closes. Vous le savez, vous en avez l’habitude, mais je vous répéterai toujours les règles d’or. Je suis là pour veiller au bon ordre et pour appliquer les directives de votre directeur, Monsieur Gidlant. Je vous demanderais de respecter vos professeurs, à qui vous devez votre bonne éducation. Si l’un de vous a un problème, je serai toujours disponible pour l’écouter, mais s’il crée un problème je saurai sévir.
Sur sa droite il y avait le groupe des capuches blanches, représentant la section des trois-cinq ans. Une couleur rappelant la pureté de leurs âmes encore naïves. Ils étaient encadrés par le plus grand nombre de professeurs pour une section. Ces derniers attendirent le discret signe du surveillant Navaron pour conduire les petits à l’aile est. Aucun de ces petits bouts n’était intéressé par le discours de bienvenue. Certains commençaient à se dissiper, d’autres à pleurer.

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