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Résumé : Les gens de la ville ont peur des enfants. C’est pourquoi ces derniers vivent dans des pensionnats clos jusqu’à leur maturité.
Les douze élèves sélectionnés en classe de dernière année sont isolés du reste des enfants, puis présentés à quatre professeurs, chargés de les préparer à des vérités volontairement cachées. Ils suivent les cours sous une surveillance armée. Apprennent l’histoire de NASYA, leur monde ; la raison pour laquelle un dôme l’enveloppe entièrement. Étudient leurs rêves – ébauches de vies antérieures – à partir de perles conçues durant leur sommeil.
Les Perles de Nasya (Partie 9)
– Vous, les capuches bleues, continua Monsieur Navaron. Les débutants de la vie ! Profitez-en, accompagnez-les dans l’aile est et aidez-les à s’intégrer dans cette école, comme l’ont fait vos aînés avec vous. En parlant de vos aînés, je dois leur dire un mot. Allez, du vent !
Les six-neuf ans, flanqués de leurs capuches bleues, entourés de leurs professeurs attitrés, s’exécutèrent avec discipline.
L’aile ouest du pensionnat était occupée par les capuches vertes et les capuches rouges. C’est dans cette tranche d’âge allant de dix à dix-sept ans que le monde réel, le monde extérieur, commençait à leur apparaître.
– Nous voici entre nous, jubila Monsieur Navaron. Je veux m’adresser à ceux qui ont fêté leur dixième anniversaire. Oui, vous qui avez déménagé vos affaires de l’aile est à l’aile ouest, l’avez-vous peut-être remarqué, mais il y a une règle très stricte à respecter à partir de votre âge. Tendez bien vos oreilles : il vous est désormais interdit de quitter le pensionnat. Cela inclut les vacances et les week-ends. Bienvenue dans le monde des grands !
Sadiquement, il occultait le passe-droit – aussi limité soit-il – selon l’importance de sa personne ou de son nom de famille.
– Allez, filez, suivez vos professeurs. Ah ! les capuches vertes, ne dites rien aux capuches bleues, j’aime bien voir la surprise et la déception lorsque j’annonce cette règle d’or. Ah ! Les capuches rouges, vos cours d’instruction vont être plus denses. Je vous conseille d’être sérieux si vous voulez être sélectionnés pour la dernière année. Sans quoi vous pourriez finir comme le vieux et ne jamais connaître le monde au-delà des grilles du pensionnat !
La cloche tinta gravement plusieurs fois, comme pour annoncer le chapitre final.
Ne restait plus que les capuches dorées dans la cour ; l’impatience éleva les murmures en chahut. Ils étaient une quarantaine pour des places limitées, et ne rencontreraient leurs professeurs qu’une fois admis.
Le surveillant Navaron tenait dans ses mains la liste des douze élèves de dernière année. Il leva une main ; l’envergure de son geste attira l’attention, et le chahut cessa.
Par rapport aux autres, les capuches dorées avaient une certaine élégance par le col échancré qui laissait la gorge à nu et se refermait au niveau de la poitrine sous le sternum. Cela était gracieux chez les filles, nettement moins naturel chez les garçons.
Monsieur Navaron s’éclaircit bruyamment la gorge, et appuya ses lunettes contre ses yeux.
– J’appelle les garçons !
Tous les élèves étaient suspendus aux lèvres du surveillant général, essayant de deviner le premier nom de la liste.
– Sun Abi, cria-t-il.
Sun Abi cacha sa surprise en fermant son poing comme s’il avait gagné à la loterie.
En quelque sorte, c’en était une. Et la règle était la règle. Douze. Pas plus, pas moins. Certains devraient attendre l’année suivante, et revêtir avec désenchantement leurs uniformes à capuche rouge.
Il y avait un certain fantasme autour de cette dernière année à cause du mystère qui l’entourait. Les élèves de dernière année n’étudiaient plus dans le pensionnat ; ils étaient amenés autre part, on ne savait où ni pourquoi. Et si un enfant voulait en savoir plus en questionnant leurs parents, leur grand frère ou leur grande sœur, on ne lui répondait rien de précis. Il semblerait qu’un contrat moral obligeait à garder le silence. À petite échelle, c’était comme ce ton protecteur et cachottier qu’une capuche verte prenait à l’encontre d’une capuche bleue à propos de la fameuse règle d’interdiction.
Sun Abi avait hâte de retrouver ses parents. Il laissa Lim Ledah, se fraya un chemin tout sourire, agitant ses deux mains en l’air pour confirmer sa présence.
– Olivan ! appela Navaron.
Olivan n’osait pas fendre la foule. Timorés, ses « pardon, excusez-moi » ne l’y aidèrent pas. Ceux qui se trouvaient sur son passage feignaient de ne pas l’entendre pour le bloquer volontairement. Le surveillant Navaron ne l’aperçut pas ; il pensa qu’il était parti avec les capuches rouges.
Des élèves interpellaient Navaron pour qu’il annonce un autre nom, prétextant qu’Olivan avait laissé passer son tour.
Des rires conduisirent les yeux du surveillant général sur un Olivan en train de pester mollement sur ceux qui profitaient de sa passivité.
– Laissez-le passer ! somma-t-il.
Olivan rejoignit Sun Abi derrière le pupitre de Monsieur Navaron.
– Connrad !
L’appelé attendit quelques instants, avec un petit sourire satisfait. Le sceptre qui faisait sa fierté se balança vers l’avant, formant une allée par les mouvements de recul des enfants. Connrad marcha lentement à cause de sa jambe, mais aussi pour asseoir son autorité et savourer le silence respectueux. Il salua le surveillant Navaron et vint se placer devant Sun Abi et Olivan, sans leur adresser quelque intérêt.