Madre nostrum (partie 1)

Catégorie :

Fantastique/Merveilleux

Auteur :

Chiaramarino

Résumé : Que se passe-t-il quand notre mère la Terre se fâche ?

Madre nostrum (partie 1)

– Madonnina mia ! s’exclama Massimo. Arrière toute, Stefano ! Le volcan s’est réveillé !
– On retourne à Messine ? fit l’interpellé.
– Évidemment ! Désolé messieurs-dames, mais dans ces conditions, l’île n’est pas visitable. Cela dit, vous pouvez admirer ces volutes de fumée…
– C’est magnifique, fit, en anglais, une dame entre deux âges.
Son fils se mit à filmer l’éruption, fasciné. Dans l’épais nuage de fumée, il crut distinguer quelque chose, eut un geste saccadé, et pesta.
– C’est vrai que c’est beau, acquiesça un troisième touriste. Mais bon, tout cela va tomber dans la mer…
– Nous ne sommes pas des kamikazes, déclara Massimo. Vous vouliez voir les îles Éoliennes, mais je ne le ferai pas au détriment de votre sécurité. Stefano, magne-toi ! ajouta-t-il en italien.
– Oui oui !
Le petit bateau vira de bord, au milieu du tonnerre émis par le volcan.
– Dommage… mais c’est follement romantique, fit une jeune Française à son compagnon, qui la saisit par la taille, et les trois Anglais détournèrent leurs regards.
De toute façon, le fils de la dame entre deux âges filmait toujours : le nuage de fumée, la lave et le magma qui s’écoulaient de manière fluide, vers la belle mer Tyrrhénienne, d’un bleu parfait et qui se mettait à bouillir au contact du feu de la Terre.
– Eeeh ! mais il y a quelqu’un ! s’exclama-t-il tout à coup.
– Pardon ? réagit aussitôt Stefano, sans lâcher la barre, et il attrapa ses jumelles.
– Stefano, bon sang !
– Tiens-moi la barre, au lieu de râler, Massimo ! Si quelqu’un est en danger, je ne peux pas ne pas réagir !
– Mais je…
– Prends cette barre, et garde le cap vers Messine ! Dépêche-toi !
Et Stefano porta ses jumelles à ses yeux. Ce qu’il vit le stupéfia : au milieu de l’énorme panache de fumée se trouvait une personne un peu corpulente, mais elle ne courait pas, non, elle descendait tranquillement le long des pentes du volcan, cernée par la lave et le magma. Stefano jura, ne sachant que faire.
– Alors ? demanda Massimo.
– Il y a une personne qui se prend pour Empédocle, sur le Stromboli. Mais nous ne pouvons pas affronter l’éruption, nous… Dieu ait son âme !
– Oh mon Dieu !
– Faites quelque chose ! fit le jeune homme qui filmait, en anglais. Elle va se tuer !
– Je suis désolé, se reprit Stefano. C’est trop dangereux, et je ne veux pas tuer de touristes. On ne pourrait même pas accoster, de toute façon, l’eau est bouillante.
Les cinq touristes se regardèrent, une boule dans la gorge.
– Passe-moi tes jumelles.
Stefano les donna à son acolyte, et Massimo se mit à scruter le volcan. Il fut tout aussi stupéfait du spectacle : à présent, la personne repérée glissait sur la lave, à son rythme, vers la mer, comme sur un toboggan.
– Que se passe-t-il ? demanda le jeune Français.
– C’est insensé ! lança Massimo en italien.
– Mais expliquez-vous !
– Tiens Stefano, vise-moi ça… fit Massimo en rendant les jumelles, et il expliqua la situation aux touristes.
Pendant ce temps, Stefano suivait le parcours du personnage qui dévalait vers la mer, ne semblant ressentir aucune gêne. Enfin, il atteignit l’eau, porta ses doigts à sa bouche et s’éloigna de l’île à la nage, alors que la mer bouillonnait autour de lui.
– On porte secours ! décida alors le jeune Français. Je peux plonger en slip, si…
Massimo lui intima, du geste, de se rasseoir.
– C’est très bizarre, dit Stefano.
– By Jove ! fit le jeune Anglais. Reprenez vos jumelles, monsieur ! C’est une femme qui arrive sur le dos d’un dauphin !
Stefano obéit, de plus en plus dépassé et, à vrai dire, Massimo l’était autant que lui. La femme approchait, et n’avait pas l’air commode. Stefano lâcha ses jumelles, et se porta vers elle.
– Vous êtes très imprudente, madame, fit l’Anglais, une nuance de cynisme dans la voix, quand le dauphin et le petit bateau se rencontrèrent.
– Non pas, mon fils, déclara la femme. C’est vous, qui êtes imprudent ! Où allez-vous ?
– À Messine, répondit Massimo. Stefano, je peux lui dire de monter ?
L’autre haussa les épaules.
– Tu sais que ce bateau supporte une dizaine de personnes. Nous sommes sept.
– Huit, corrigea la femme. Ce sera plus rapide. Il faut absolument que je voie les autorités !
Tous la regardèrent, surpris, et la détaillèrent. Elle avait la peau foncée, et cachait mal son opulente poitrine, sous sa tunique. Ses cheveux en pétard la faisaient paraître encore plus négligée qu’elle n’était. Mais ce qui les étonna le plus, c’était ses pieds, nus, des pieds parfaits, pas du tout ceux de quelqu’un qui venait de marcher sur le feu. Et elle tenait à la main un sachet en plastique et un préservatif usagé, ce qui fit pouffer de rire le couple français. La femme les regarda d’une drôle de façon, et ils se reprirent. Elle congédia le dauphin du regard, et le petit bateau fila sur les eaux bleues, alors que résonnait le fracas du volcan.
– Et d’où venez-vous, madame ? demanda Massimo sur le ton de la conversation.

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