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Résumé : Que se passe-t-il quand notre mère la Terre se fâche ?
Madre nostrum (partie 2)
– De la Terre. En fait, je suis la Terre. Votre mère à tous. Et regardez ce que je trouve dans mes entrailles !
Et le sachet en plastique et le préservatif atterrirent sur le plancher du bateau. « Shocking », murmura la dame entre deux âges, alors que son fils haussait les épaules.
– Vous trouvez ça normal, vous ?! explosa la femme. Sur une si belle terre que celle de l’Italie, ses mers ?!
Personne n’osa répondre. Pour reprendre contenance, le troisième Anglais voulut bourrer sa pipe, mais en fut empêché.
– Vous allez mettre vos saloperies partout !
Et la femme lui arracha la pipe des mains. Les trois Anglais la regardèrent, furieux d’une telle outrecuidance. Le plus jeune en oublia son téléphone qui filmait toujours.
– Votre anglais est excellent, osa-t-il.
– Je parle toutes les langues.
– Le français aussi ? tenta la jeune Française.
– Bien sûr. Vous êtes tous mes enfants. Mais là, vous dépassez les bornes !
– Nous n’avons rien fait, nous, fit remarquer son compagnon. Nous voulions seulement visiter les îles Éoliennes.
– Rendez-moi ma pipe.
– Vous n’êtes qu’un bébé, monsieur. Vous trouvez tous les subterfuges pour ne pas oublier vos tétées de quand vous étiez enfant !
L’Anglaise regarda son époux en pouffant.
– Embrasse-moi, plutôt.
– Ma chère, c’est très inconvenant…
Massimo, quant à lui, riait franchement de l’échange, de la situation.
– Mais en fait, qui êtes-vous ? demanda le jeune Français.
– Votre mère la Terre. On m’appelle Gaïa.
– Vous vous fichez de nous.
– Pas du tout. Regardez, jeune homme.
Gaïa fit une passe, et prit la forme de la mère du jeune homme. Il la regarda, épaté, et elle dit encore :
– Je n’ai pas fini.
Nouvelle passe, et elle prit l’apparence de sa belle-mère.
– Maman ! s’écria la jeune Française.
– Je cherche le truc, fit l’Anglais, flegmatique.
– Ces humains, grommela Gaïa, et elle s’assit. Me croyez-vous ?
– Moi, je vous crois, dit Massimo. Vous êtes une vraie mamma.
Gaïa esquissa un sourire, ramassa les détritus qu’elle avait mis sur le bateau. Le silence s’installa, au grand dam de Massimo qui, en tant que guide, était censé expliquer ce qu’ils voyaient. Mais la situation dépassait son entendement. Ce fut quand même lui qui reprit la discussion.
– Et si vous nous parliez de Charybde et Scylla, dans le détroit de Messine ? proposa-t-il à Gaïa.
– Excellente idée, approuva-t-elle, et elle se mit à raconter l’histoire d’Ulysse dans ce détroit, jusqu’à ce qu’ils arrivent à destination.
Une fois à Messine, tous débarquèrent, à l’exception de Stefano, qui restait dans son bateau. Massimo aida Gaïa à descendre, puis alla faire connaître l’éruption du Stromboli, afin d’éviter les visites, avec elle. À la suite de quoi il mena Gaïa à la mairie, où il demanda à voir monsieur le maire, indiquant que la dame qui l’accompagnait voulait lui parler. En plus du sac plastique et du préservatif, Gaïa avait ramassé, au port, quelques mégots, des élastiques, une canette de soda vide.
– Qui êtes-vous, madame, une femme de ménage ? Ou êtes-vous immigrée ?
– Mon pays est partout, madame. Je suis la Terre, nom d’un chien !
– Italienne, fit Massimo avec un sourire. Le pays des mamme !
– Pardon, excusez-moi Massimo, fit la secrétaire. Monsieur le maire est justement dans son bureau, vous avez de la chance… Allez-y, je vous en prie.
Et Massimo et Gaïa passèrent la lourde porte du bureau du maire. Ce dernier se leva à leur arrivée. Il avait un type italien très prononcé, des lunettes fines sur le nez, et ne semblait pas très vieux, entre quarante-cinq et cinquante ans.
– Salut Cateno ! Figure-toi qu’il nous en est arrivé une bien bonne, au milieu des îles Éoliennes… Je te présente Gaïa, notre mère à tous.
– Tu veux dire ta mère ? fit le maire en cachant mal un sourire ironique. Tu ne me l’avais encore jamais présentée…
– Tu te méprends. Elle peut être aussi ta mère. Gaïa, montrez-lui…
Sourire aux lèvres, Gaïa prit l’apparence de la mère de Cateno, qui en resta bouche bée.
– Je peux aussi prendre l’aspect de la mère de Massimo… Je suis toutes les femmes.
Le maire se rassit, s’éventa d’un papier qui traînait sur son bureau encombré.
– Je vais te raconter ce qu’il s’est passé tout à l’heure sur le Stromboli…
Le récit de Massimo fit rire Gaïa, et Cateno ouvrait de grands yeux.
– Mais pourquoi ?