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Que se passe-t-il quand on se branche un stylo ?
Opération : écrivain (Partie 4)
Mais les jours passaient, et plus Violette m’utilisait, plus elle faisait de pauses, alors que je voulais courir sur le papier. J’intégrais de plus en plus rapidement la structure de son cerveau, de ses idées. Moi, je sentais que nous étions un bon binôme. Son roman se mettait peu à peu en place, et de plus en plus, Violette recourait à l’ordinateur. De ce fait, j’étais replié à ces moments-là. Je subissais cette situation. Où était passée l’envie d’écrire, de m’utiliser ? Heureusement, Violette semblait ne faire cela que pour son roman. Je savais que, tôt ou tard, elle m’emploierait pour écrire longtemps, ce qui arrivait d’ailleurs régulièrement, au moins quand elle tenait son journal intime. Mais souvent, après cela elle fatiguait beaucoup, se plaignait de douleurs au bras, le mien. Alors qu’elle aurait dû être en forme, elle qui disait tant aimer écrire.
Quelques semaines passèrent, et Violette devint effectivement libraire. À ce titre, elle devait lire davantage, pour mieux conseiller les livres, ou rédiger, sur leur couverture, l’avis de la libraire. Cela se faisait encore à la main, dans sa librairie. Le patron refusait d’avoir recours à l’ordinateur pour cela, et Violette en était ravie. Elle sortait dorénavant un peu plus tard, ce qui la faisait écrire moins. Mais elle l’acceptait. À présent, nous composions son roman en fin de journée. Puis Violette tenait un autre journal, sur l’avancée de ses textes, ses réflexions sur ses passions. C’était encore une période de transition pour elle, le rythme était encore un peu différent et je devais m’y adapter. Mais plus ça allait, et plus elle s’inquiétait de son bras, ce qui ne rassurait pas Walter. Ni ses parents, mais Violette évitait ce sujet, avec eux. Elle n’écrivait presque plus que chez elle, pour ne pas montrer que ses pauses étaient de plus en plus longues. Elle devait faire effort sur elle-même. Enfin, un jour, tout céda…
– Walte-er !
Violette en hurlait. Son bras sautait sur le papier, à une vitesse vertigineuse. Elle ne savait plus former les lettres, tout cela allait trop vite, beaucoup trop vite, et elle ne parvenait plus à maîtriser le geste d’écriture, qui suivait la vitesse de sa pensée. Walter arriva en courant dans le bureau.
– Violette ! Nom de Dieu ! Arrête-toi !
– Mon stylo est devenu fou !
Les muscles du bras sautaient, et Violette était très rouge. La chaleur de l’effort faisait couler son épais maquillage, sous lequel on devinait les gros boutons et les cicatrices sur son visage. Walter fut pris de peur.
– C’est toi ma Violette !?
– Oui ! Arrête ça ! Fais quelque chose ! Vite ! Mon bras va lâcher !
Walter se rapprocha, saisit le bras droit au vol, dut chercher un peu, et enfin replia le stylo. Alors Violette s’évanouit.
Elle reprit conscience à l’hôpital, là où on lui avait greffé le stylo. Walter lui tenait la main.
– J’ai… j’ai voulu écrire à… la vitesse de la pensée…
– Là-à… Calme-toi. Tes parents vont arriver.
– Mon Dieu !
Violette passa sa main valide sur son visage décoloré, ravagé par les boutons et les cicatrices, et sursauta.
– Pourquoi m’as-tu toujours caché cela ? Ce n’est pas d’écrire à la vitesse de la pensée, dont tu avais besoin, dit doucement Walter.
– Oh, Walter, pardonne-moi…
– Je t’aime telle que tu es, tu le sais bien. Maintenant, je sais pourquoi tu rechignais à montrer ton vrai visage.
Violette fondit en larmes.
– Et… le stylo ?
– On va te l’enlever.
– Tant mieux. Mes parents doivent être si inquiets… Ma mère avait raison…
– Ton prochain roman marchera aussi bien que les autres. Et après, écris sur cette expérience. Justement, tu as besoin de repos. Et excuse-moi si je n’ai pas su comprendre tes douleurs au bras.
– Ce n’est pas de ta faute, je ne le comprenais pas moi-même. Même si j’aurais peut-être dû m’en douter.
– Ça va aller, maintenant.
– Merci, mon amour.