Philomène (Partie 3)

PhilomèneCatégorie : Littérature sentimentale

Auteur : Flora Lune

Résumé : Philomène aurait dû être aimée. En la nommant de la sorte, c’est sans doute ce que ses parents souhaitaient pour elle. Oui, mais voilà, des parents, Philomène n’en avait plus. Ou n’en avait jamais eu. Car si elle en avait eu, plus aucun élément aujourd’hui ne permettait de prouver leur existence, comme s’ils avaient été définitivement effacés de la surface de la Terre. Philomène vivait donc là où vont les enfants qui n’ont pas de maison. Elle n’avait jamais été malheureuse là-bas, ni jamais vraiment heureuse, mais qu’importe : elle n’avait jamais connu que cet endroit.

 

 

Philomène (Partie 3)

 

 

« Thomas !
« Margot !
« Lola !
« Clément !
« Aymeric !
« Nelly ! »

Plusieurs noms se succédèrent encore, comme ceux d’Estelle, de Vincent, de Timothée, et lorsque retentit enfin celui de Philomène, même les jumelles Alison et Amélie avaient déjà été appelées. Le professeur plaça les deux capitaines et donna le coup d’envoi. Le ballon entra sur le terrain. En sortit. Y retourna. Fut mis dans un panier. Passa de mains en mains. Mais jamais dans celles de Philomène. Son professeur se préparait encore à lui mettre une mauvaise note.

Lorsque le cours fut fini, les élèves regagnèrent les vestiaires. Tandis qu’elle suivait les autres filles dans les douches communes, Philomène ne s’aperçut pas que Cindy et Leslie la regardaient d’un air mauvais. Autrement, elle aurait compris beaucoup plus tôt pourquoi sa culotte ne se trouvait plus dans ses affaires lorsqu’elle la chercha pour se rhabiller. En les entendant glousser derrière son dos, Philomène leur lança un regard indifférent avant de remettre son pantalon. Elle retrouva sa culotte une heure plus tard, flottant au fond des toilettes.

Dès qu’ils furent lavés et changés, les élèves se rendirent à leur dernier cours de la journée. Philomène suivit la foule, un peu en retrait. Mais, tandis qu’ils parcouraient les couloirs, aucun élève ne se rendit compte que Philomène disparaissait peu à peu. Lorsqu’elle franchit la porte de la cage d’escaliers, elle était seule. Les autres étaient déjà ailleurs. Ou peut-être, était-ce elle qui était ailleurs. Elle se trouvait en haut d’une colline. Depuis sa position, elle pouvait apercevoir un immense clocher qui se découpait dans la pleine lune. Elle fit quelques pas, et se rendit compte qu’elle était entourée d’autant de croix de marbre qu’il y avait d’étoiles dans le ciel. Des murmures en émanaient et s’élevaient vers Philomène. Elle reconnut certaines voix, pas toutes. Une douce brise la secoua. Poussée par une force inconnue, elle se laissa tomber et roula dans l’herbe tendre jusqu’en bas de la colline.

« Oh, désolés, on ne t’avait pas vue. »

Philomène ouvrit les yeux. Elle avait chuté en bas des escaliers. Trois garçons la regardaient d’en haut d’un air goguenard. Des élèves de troisième, probablement. Philomène ne les connaissait pas. Elle prit alors conscience d’une douleur lancinante à sa jambe droite, sur laquelle elle était tombée. Mais, elle ne dit rien et se releva.

« Ce n’est rien », dit-elle.

Elle tourna les talons et s’apprêta à partir. L’un des garçons, le plus grand des trois, descendit rapidement les marches restantes et l’attrapa par le bras.

« C’est pas bien de traîner dans les couloirs, dit-il alors que ses amis le rejoignaient. Tu devrais être en cours.
« Vous aussi, fit calmement remarquer Philomène.
« Hey, tu parles pas comme ça, dit le deuxième en la poussant violemment contre le mur.
« Calmez-vous, dit le troisième. On n’a qu’à l’emmener avec nous…
« Hein que tu vas nous suivre petite ?
« Oui, on va bien rire…
« Non, désolée, j’ai cours. »

Philomène tenta de se dégager, mais les trois garçons l’encerclaient sans lui laisser la moindre possibilité de s’en sortir.

« Arrête ton cinéma, répliqua l’un d’entre eux en lui arrachant sa veste. Tu t’en fous complètement de ton cours, sinon tu y serais déjà.
« Oui, viens plutôt avec nous…
« Non !
« Comment ça non ? »

Deux des garçons l’immobilisèrent contre le mur. Elle se débattit. Le troisième tenta de déboutonner son pantalon.

« Laissez-moi ! »

Le bouton sauta. Philomène cria.

« Non ! »

Une main fut plaquée sur sa bouche. Elle tenta de la mordre. En vain. Elle voulut se débattre encore. Mais elle ne pouvait plus bouger.

« Ça y est, tu t’es enfin calmée… tu vas voir, ça va…
« Philomène ! Qu’est-ce que… Hé ! »

Philomène fut brusquement libérée. Les garçons se retournèrent. Clément venait d’entrer dans la cage d’escaliers. Sans laisser le temps à qui que ce soit de faire le moindre mouvement, il se mit à hurler de toute la force de ses poumons :

« Au secours ! A l’aide ! Agression au rez-de-chaussée de l’escalier B ! A l’aide ! »

Les jambes de Philomène cédèrent tandis que les trois garçons s’enfuyaient en jurant. Lorsque Clément s’approcha d’elle, de violentes convulsions la saisirent et un long cri s’échappa de son corps. Un professeur entra dans la cage d’escaliers, mais elle ne le vit pas. Elle n’entendit pas non plus les paroles que Clément échangea avec lui. La dernière chose dont elle eut conscience fut la paire de bras qui la bloquait au sol tandis qu’elle se débattait. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle se trouvait dans un lit d’hôpital. Des policiers vinrent prendre sa déposition. La description qu’elle fit de ses agresseurs ne permit de déterminer qu’une chose : aucun des trois n’était au collège. Les recherches durèrent trois jours, puis, furent abandonnées. À son retour au foyer, Chloé et Isaure ne lui posèrent aucune question, à vrai dire, elles se comportèrent comme si Philomène n’était jamais partie. Ainsi fut-il pour tout le reste de son entourage.

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