Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.

Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.
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Résumé :
Et si nous pouvions vivre plus de deux cents ans ?
Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.
Questions existentielles (Partie 4)
– Excusez-moi. Malgré vos excentricités, c’est vrai que vous êtes très gentil, dit-il.
– Vous ne devez pas aller bien, jeune homme. Et si vous preniez quelques congés pour aller au grand air ? Vous autres journalistes ne cessez de courir…
– Pourquoi, vous ne voulez pas que cette interview paraisse ?
– Ah non, je ne veux pas que nous l’ayons faite pour rien ! Mais qu’ai-je dit de si incongru ?
– Dans… cinquante ans, quel âge aurez-vous ?
– Plus de deux-cents ans.
Frank ouvrit un bouton de sa chemise.
– Je vous apporte un verre d’eau.
Le journaliste but coup sur coup deux verres d’eau, puis son café.
– Mais c’est très bon !
Yannis eut un beau sourire.
– Rien ne vaut un café grec fait dans les règles de l’art…
– Là, papa, tu exagères ! tempêta Alexis quand Yannis annonça à ses enfants qu’ils auraient un nouveau petit frère, ou petite sœur.
– Oh, toi et ton frère, vous n’êtes jamais d’accord avec moi… Et toi Sacha, qu’en penses-tu ?
– Je trouve ça très bien, papa. Et puis ce sera une grande avancée scientifique…
Ses deux demi-frères le fusillèrent du regard.
– Non Sacha, lui dit Andreas, qui était plus mesuré qu’Alexis. Tu dis ça parce que tu as à peine connu ta mère adoptive… C’est vrai qu’elle était adorable, mais quand on la perd à dix ans, on a envie d’allonger la vie…
– Tu vas dans le même sens que papa ! reprit Alexis, de plus en plus furieux.
– Non, je t’explique l’état d’esprit de Sacha. Je ne dis pas que papa a raison, j’essaye de comprendre, c’est différent.
– Et cette interview ?! Papa emmerde les journalistes en parlant de retraite, mais ce n’est pas le vrai sujet !
– Là, tu marques un point, Alexis, reconnut Yannis. Et j’hésite à parler trop de moi en interview, vous le savez tous.
– Moi, je soutiens papa.
– Même si j’essaye de comprendre… tout cela m’effare, avoua Andreas. Être parent passé cent ans… Mélanie et moi n’aurions jamais fait une chose pareille.
– On n’a pas besoin d’avoir cent ans pour être fertile, persifla Alexis. Ça ne me serait même pas venu à l’idée. Notre sœur Hélène aurait détesté. Nous avons eu le temps d’avoir des enfants, et la Terre est assez peuplée comme ça !
Quelque peu atterré par la réaction de ses enfants, Yannis baissait la tête, pensant à Sophie. Ce fut Sacha qui mit les pieds dans le plat :
– Vous dites ça, mais vous n’étiez pas les derniers à vouloir vivre plus, vous aussi…
Gênés, Alexis et Andreas se regardèrent, et Yannis remercia Sacha avec reconnaissance, mais de manière pas trop appuyée.
– Je voulais voir grandir les miens, avoua Andreas. Et toi aussi, Alexis…
L’interpellé souffla un « c’est vrai », se poussa dans un coin, et ne dit plus rien.
– La mort est inéluctable, de toute façon, rappela Yannis. Je ne fais que la reculer. Je ne vois pas où est le mal…
– Ce sera sans moi, fit Andreas. On n’a pas encore éradiqué le suicide !
– Mon Dieu, tu me fais peur ! s’exclama Yannis, levant les bras au ciel, s’ébouriffant au passage.
– Donc Sophie n’avortera pas, comprit Sacha.
– Oui, ça m’étonnerait, confirma Yannis.
– Tu as passé beaucoup plus de temps avec maman, qu’avec même Angela. Alors Sophie… Comment peux-tu en être aussi sûr, papa ?
– C’est dans l’air du temps, répondit Sacha à la place de Yannis.
– L’air du temps a bon dos, grommela Yannis à part lui. Et si on changeait de paradigme ? suggéra-t-il.
– Ça fait au moins une centaine d’années qu’on en parle, papa, fit Andreas. À l’horizon 2150 ?
– Vous êtes pénibles. J’ai été un pionnier ! Et Sacha m’a beaucoup aidé.
– Sacha a combattu le cancer, et nous savons tous pourquoi, rappela Andreas. Mais de là à vivre trois ou quatre siècles…
Yannis haussa les épaules.
– Au besoin, après la Lune, nous conquerrons Mars, pour caser tout le monde…
– Non papa, ce n’est pas raisonnable, reprit Andreas en secouant la tête. À ce compte-là, je te dirai d’avoir cet enfant, mais pas un de plus. Sophie et toi êtes complètement fous. Il faudra faire des recherches sur vos âges canoniques…
– J’en suis ! lança Sacha. Voyons Andreas, papa a toujours été comme ça…
Et Alexis et Andreas se regardèrent, confirmant la chose en prenant un air désolé…
« Le matin de Paris, carnet rose.
En ce 21 juin 2101, nous apprenons la naissance de la fille d’un pionnier de la biologie, Yannis Petrakis, Hermione. La maman et le bébé, malgré l’âge fort avancé de la parturiente (111 ans), se portent bien toutes les deux. Toutes nos félicitations !
Le matin de Paris, avis de décès.
22 juin 2101. Nous apprenons, à l’heure où nous mettons sous presse, la mort d’Andreas Petrakis, par pendaison, pour une raison inexpliquée. Il était le fils cadet de Yannis Petrakis, le fameux chercheur en biologie, père depuis hier de la petite Hermione. Andreas Petrakis a exercé comme professeur de Lettres classiques dans plusieurs universités réputées et avait lui-même une grande notoriété dans ce milieu. Toutes nos condoléances vont à la famille… ».