Solde de tout conte (Partie 1)

Catégorie :

Fantastique/Merveilleux

Auteur :

Chloé Garcia

Résumé : Un conteur, à la renommée sans pareille, ramène d’un de ses voyages à la Cité Engloutie, un magnifique artefact magique, un tapis volant. Le passé refait surface et les légendes côtoient la réalité, quand une foule curieuse le harcèle pour qu’il détaille ses prouesses.

Solde de tout conte (Partie 1)

Je les avais tous réunis pour leur raconter ce que j’avais découvert, pour les épater avec une histoire magique et pleine de mystère qui allait les faire frémir. Le brouhaha ambiant m’excitait et j’avais hâte de les étonner, de les transporter dans un autre monde, et de les voir ouvrir grand leurs yeux. Accompagné de mes instruments fétiches, je parcourais les villes à la recherche de mystères, d’énigmes insaisissables et de compagnie agréable. Ma réputation de conteur avait dépassé les limites du royaume et avait franchi les grandes palmeraies du Nord, les étendues désertiques et les oasis gigantesques des régions plus au sud.

Partout où je passais, on me reconnaissait, notamment grâce à tout mon barda qui sonnait à chacun de mes pas et qui annonçait fièrement mes arrivées. L’Arabie avait encore tant à me donner et je voulais tout connaître, arracher la vérité à tous ceux que je croisais et les obliger à se confier. Ma soif de connaissances ne savait se tarir, me torturait l’esprit, les sens, et me donnait la force de marcher tout le jour et toute la nuit, sans que ni la chaleur ni le froid ne me perturbe en aucun point.

– Alors, ça vient ?

Je souris avec malice à celui qui venait de parler et m’approchai de lui pour lui chuchoter à l’oreille.

– Le meilleur a besoin de patience, mon ami.

J’adorais me faire attendre. Son air offusqué me fit rire et mes éclats résonnèrent sous les rayons chauds du soleil. Je me sentais tout puissant et avais peine à masquer ma jouissance dans mon ton et ma démarche. J’avais rapporté un objet qui me rendrait riche et célèbre. J’avais trouvé… un tapis volant ! Ces artefacts incroyables n’avaient plus été aperçus depuis des centaines d’années et j’allais être le premier à en montrer un au sultan. Je me languissais des félicitations et de la gloire à venir.

Je parcourus des yeux l’assemblée et décidai d’attendre encore quelques minutes avant de commencer mon récit. Les enfants aux premiers rangs piaillaient et s’impatientaient. Ils tentaient des approches vers la boîte en bois verni que j’avais déposée sur le sol. Mes grognements pour les éloigner, loin d’être efficaces, les faisaient plutôt rappliquer et je devais monter la garde pour les empêcher de gâcher ma surprise. Je désirais les surprendre et que le tapis volant n’apparaisse qu’à la toute fin, à la toute dernière seconde. J’avais tout chronométré et mon histoire était parfaitement au point.

Deux jeunes femmes charmantes s’installèrent sur la droite et j’avisai leurs regards curieux dans lesquels je crus lire une pointe d’admiration. Le rouge me monta au visage et je leur envoyai un de mes plus beaux sourires carnassiers, sauvages. Une fois l’étonnement passé, elles se détournèrent de moi pour se raconter des messes basses. Leurs paroles animées marquaient l’une des premières étapes de mes plans de séduction. Le sexe faible préférait les hommes forts au caractère bien trempé, et cela faisait longtemps que je ne misais plus sur mes jolies fossettes, mais plutôt sur mes regards sombres et intimidants, ou mes attitudes froides et mystérieuses. Une technique redoutable qui m’avait accordé les vierges les plus douces et les habituées les plus téméraires.

Le soleil baissait sur l’horizon. Il était temps. J’ouvris grand les bras et la foule s’agita en claquements de doigts et exclamations variées. Ils connaissaient mon signal.

– Mes très chers amis, merci à tous d’être venus si nombreux pour entendre mes récits fabuleux. Vous ne serez pas déçus !

L’assemblée applaudit à tout rompre et je perçus des « On t’aime » ou des « Raconte ! » parmi la foule. Je les savais prêts. Je positionnai un de mes doigts sur mes lèvres closes et parcourus les rangs pour intimer le silence et l’attention. Je les fixai dans les yeux tour à tour, et retournai à ma place, sur un petit promontoire en bois, installé plus tôt. Je me tenais toujours debout afin de les surplomber et de les observer. J’avais ainsi tout le temps d’analyser leurs expressions et émotions. Garder le contrôle constituait ma seule priorité. Je voulais impressionner et prouver que mon renom se méritait.

– J’étais parti en quête, près des restes de la Cité Engloutie. Je voulais percer ses mystères et faire revivre le passé. Dans la nuit noire du quinze août, le vent ne soufflait pas, le silence pesait et mes pas me menèrent autour d’un feu de camp aux flammes… bleues !

Des exclamations de surprise accompagnèrent mes gestes. J’en entendis même qui me traitèrent de menteur. Leur esprit étriqué ne pouvait voir ce que ce feu scintillant recelait… Je continuai lentement.

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