Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.

Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.
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Résumé :
De terribles monstres rôdent dans un enfer déjà bien sombre. Sur une Terre privée de tout et emplie de vide, seuls restent des enfants. Parviendront-ils à survivre sans l’aide des adultes, de leurs parents et de tout un savoir perdu à jamais ?
Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.
Sombre héritage (Partie 2)
L’apocalypse avait été terrible et avait éliminé toutes les personnes âgées de plus de neuf ans. Nous, les survivants, des gamins bons à rien, avions tout perdu. Nos parents et familles nous avaient quittés, avec tout leur savoir, amour et bienveillance. Désemparés et anéantis, notre chute n’en fut que plus grande et si dramatique, digne des plus grands films catastrophe. La plupart de mes compagnons ne savaient même pas lire ou compter au-delà de cent. Je n’avais que peu de connaissances dans tous les domaines, préférant perturber les salles de classe, et je découvris que je n’étais pas le seul dans ce cas. Nous étions insouciants, simplement heureux de vivre et avides de nous amuser. Seul le plaisir immédiat comptait. La vie avait tant à nous offrir et elle nous confisqua tout.
Beaucoup d’enfants moururent de faim ou de tristesse. Bien d’autres périrent dans des accidents d’avion, de train ou de voiture. Certaines villes implosèrent, des usines explosèrent et des barrages cédèrent. Les centrales électriques ou nucléaires devinrent davantage dangereuses et furent laissées à l’abandon, comme tous les gisements de gaz et de pétrole. Nous finîmes par comprendre que le monde et ses rouages nous étaient complètement inconnus et qu’il fallait pourtant continuer à vivre malgré nos nombreuses lacunes et incompétences.
Les adultes avaient détruit leur monde et le nôtre. Ils nous l’avaient involontairement donné et nous ne savions pas quoi en faire. Comment pouvions-nous le sauver ? Ceux qui ne savaient pas cuisiner se mirent à voler, ceux qui ne pouvaient rien construire commencèrent à détruire et ceux qui paniquaient firent le mal. Ceux qui lisaient essayèrent d’éduquer, ceux qui s’étaient remis tentèrent de rassembler, ceux qui aimaient voulurent aider et ceux qui avaient abandonné désiraient juste survivre.
J’avais appris et apprivoisé le mot « anarchie » grâce à des séries télévisées et je l’avais vécue lors des premières années après la quasi-extinction de l’espèce humaine. J’aurais préféré son annihilation complète. Les valeurs que j’adorais tant avaient disparu. La tristesse m’avait quitté. Les grands ne nous avaient pas seulement laissés pour compte. Leurs diverses expériences malsaines avaient libéré des choses terribles, des créatures abominables du fin fond des âges. D’abord, elles restèrent parquées là où elles avaient été créées puis elles commencèrent à fureter et à traquer. Nous les appelions les Ombres. Elles pouvaient tuer sans pitié ou torturer avec rage. Sans forme, elles erraient sur la planète et ne semblaient trouver la paix que dans la mort et le sang. Elles pouvaient traverser la matière et nous ne pouvions donc nous en protéger. Nous en étions réduits à les affronter et à vivre avec.
Âmes en peine, elles n’avaient pas de visage et profitaient de l’obscurité pour se cacher. Je les avais vues une fois attaquer un couple et s’enrouler autour de leurs cous pour les étouffer. Je me souviens avoir vomi et avoir couru jusqu’à en perdre haleine, incapable de leur venir en aide. Je craignais ces apparitions morbides et m’appliquais à les éviter. À force d’enquêtes, j’appris à ressentir le courant d’air froid qui précède leur arrivée et à reconnaître cette odeur caractéristique de charbon brûlé. Mes rares amis se fiaient à moi pour ne pas tomber sous leurs griffes.
– Salut Ben ! me fit un de mes collègues occupé à fumer à la réception du commissariat. Encore des trucs pour ton engin ? me demanda-t-il en pointant les tôles que j’avais sous le bras.
– Salut ! Ouais, exact. Je pense arriver au bout, répondis-je avec un début de sourire aux lèvres.
– Cool ! s’exclama-t-il avant de s’intéresser de nouveau aux traces sur le plafond et à sa cigarette.
Rick n’était pas quelqu’un de très bavard mais les nouveaux venus le trouvaient sympathique, allez savoir pourquoi et surtout comment ils pouvaient en juger. On le laissait donc les accueillir et il n’embêtait personne, si ce n’était cette cigarette qu’il inhalait à longueur de journée et dont le parfum nauséabond ne se mariait pas du tout avec la pourriture et la puanteur ambiante.
– Rick ! criai-je en me souvenant d’un détail.
Il baissa les yeux et me regarda interrogatif.
– J’ai trouvé un cadavre dans la rue numéro huit. Des rats s’en occupent. Il faudrait en bloquer l’accès le temps que ça se fasse puis brûler le tout. C’est la nouvelle loi pour lutter contre les maladies.
– Ah ouais ? C’est joli le feu. Je vais prévenir Nat’, dit-il avant de s’éclipser par la porte de derrière, et tout content de pouvoir bientôt assister à un incendie.
Il était plutôt efficace même si ses réflexions ne me faisaient jamais oublier son âge. La plupart d’entre nous avaient mûri trop vite et ne paraissaient enfant que dans l’apparence. D’autres resteraient certainement gosses toute leur vie, traumatisés et incapables d’aller de l’avant.