Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.

Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.
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Résumé :
Un homme s’interroge sur sa solitude, sur la solitude des êtres.
Avertissement : déconseillé aux moins de 16 ans.
Stellio (Partie 1)
Hier, j’étais à l’enterrement de Stellio Donati. Il s’est suicidé dit-on. Moi, j’appelle ça un meurtre. Il n’a été tué par personne d’autre que lui-même mais c’est quand même un meurtre. C’est surtout un meurtre . Un homme a tué un homme, c’est donc un meurtre, peu importe qu’il s’agisse, hélas, de lui-même. Il a mis un sac en plastique sur sa tête et il s’est asphyxié. Il a laissé un petit mot, bien en évidence : « Quand je serai mort, pensez joliment à moi car je ne méritais pas ça. ».
Évidemment chacun et chacune y va de son explication, de fausses questions en mauvaises intentions, de faux chagrin en mauvaises attitudes, de vaines interrogations en vaines paroles… Je n’aime pas quand les gens parlent aux enterrements. Je n’aime pas quand ils parlent avant, pendant ou après la cérémonie. D’ailleurs, j’aime de moins en moins entendre les gens parler.
D’entendre tout ça, il y aurait de quoi rire mais je ne ris pas mais tout ça pourrait me faire rire si j’avais du recul ou du détachement. Mais ce n’est pas le cas. Certainement pas.
Heureusement, on était beaucoup de monde sincèrement peinés et perplexes. Ce n’était pas nous qui parlions le plus . Heureusement. Moi quand je serai mort, je n’aimerais pas qu’on parle pendant mon enterrement, j’aimerais qu’on pense à moi. Qu’on y pense joliment. Je mérite bien ça.
Stellio a tué un homme qu’il n’aimait pas. Il devait même drôlement le détester pour le tuer. Parce qu’il était du genre gentil Stellio. Il n’aimait plus qui il était, il voulait être autrement. Il devait avoir beaucoup de colère, de déception et de souffrance, Stellio. Et il a pensé que pour changer, il devait d’abord tuer le Stellio si détestable. Quel gâchis…
Mais en fait, il voulait le tuer ou le supprimer ? Pas exactement pareil si on y réfléchit bien.
Supprimer, c’est gommer, enlever, ôter, faire disparaître pour mieux recommencer, renaître, réexister.
Tuer c’est détruire. Tout détruire. Le passé, le présent, le futur ; tout détruire, sa colère, son bonheur, ses doutes, ses certitudes, ses espoirs, ses peurs, ses bonheurs, c’est anéantir, aller dans le néant. Et pour l’éternité. Être dans le néant, dans le néant du temps.
« Quand je serai mort, pensez joliment à moi car je ne méritais pas ça. » C’est presque gentil comme mot. Presque…. C’est sa femme qui nous l’a dit pendant la cérémonie à l’église dans le petit discours où elle lui rendait hommage. Elle était si fatiguée et si triste Ida.
Stellio, je le connaissais un peu, on est du même petit village et on a le même âge. On était à l’école primaire ensemble puis ensuite, on s’est croisés de loin en loin mais on est du même village, alors ça crée des liens d’une sorte d’amitié. Nos parents se connaissaient, d’ailleurs, tous les parents de ce village se connaissaient parce qu’ils travaillaient pratiquement tous à la petite usine de ferblanterie. Alors, oui, Stellio et moi étions des amis de village avec des points communs, une culture commune, des références communes. Je l’aimais plutôt bien. On a dû certainement boire quelques bières ensemble et avec d’autres au début de notre vie d’adulte. Et puis ensuite, il a travaillé à la ferblanterie et moi, j’avais fait quelques études, alors, je suis devenu aide-comptable dans une entreprise de bois dans un bourg voisin. Mais, si on ne s’est jamais réellement fréquentés avec Stellio, on ne s’est jamais réellement quittés non plus. On se serrait la main quand on se croisait au village. Parfois, on prenait une bière seuls ou avec d’autres, parfois, non. C’était notre façon d’être amis de village à nous tous.