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La musique doit se voir comme un sport. Il faut s’entraîner, s’acharner et ne jamais se démotiver. Malgré un travail dévoué et un talent incontestable, la perfection est-elle atteignable ?
Toujours plus (Partie 1)
La musique est comme un sport. Pour ne pas perdre ce que l’on a appris, il faut pratiquer tous les jours. Je me souviens des conseils de ma dernière professeure qui m’exhortait à m’entraîner sans cesse et qui me donnait des tonnes d’exercices de doigté pour que mes mouvements deviennent de plus en plus fluides et efficaces. Chacune de mes phalanges, chacun de mes doigts, chacune de mes articulations, ainsi que mon dos, devaient s’assouplir pour mieux supporter les positions. À l’époque, je manquais cruellement de souplesse mais l’effort et la ténacité m’ont permis de progresser et d’atteindre un niveau que je n’aurais jamais cru possible. À présent, mes doigts se meuvent avec habileté et rapidité, alors que mon cerveau anticipe toutes les prochaines notes pour que je me place avec précision et souplesse, sans aucun grésillement ni son malvenu.
J’ai eu des périodes de déprime quand je stagnais et que mes semaines d’exercices ne me menaient nulle part. Le travail acharné m’a détruit le bout des doigts, arraché la corne et je saigne toujours après plusieurs heures de frustration à me torturer sur les cordes. J’ai arrêté quelques mois, des années auparavant, mais je suis parvenue à retrouver la foi et j’ai persévéré. Il est difficile de se motiver face à un morceau pour lequel on sait d’emblée que l’on devra y passer des semaines de travail pour qu’il rende juste « passable ». La perfection ne s’atteint pas si facilement et est-elle seulement possible ? La musique est bien plus qu’un mouvement, qu’un doigté, et qu’une partition. Elle est sensations, émotions, rêves et poésies. Une machine, bien que rapide et intelligente, ne parviendrait pas à nous remplacer. L’humain possède cette capacité magique de s’extraire de son corps pour ressentir pleinement ce qu’il joue et s’évader en même temps que les spectateurs.
Les fausses notes peuvent survenir, j’en ai déjà exécutées lors de concerts devant des milliers de personnes, notamment à cause du stress. Mes camarades m’ont soutenu que cela ne s’était pas entendu et j’ai su qu’ils disaient vrai. Une note parmi des centaines de milliers ne signifie finalement pas grand-chose. Avec la pratique et le temps qui passe, je joue mieux et commence à prendre du plaisir. Il est compliqué de s’extasier lorsque l’on s’applique, que l’on est très concentré et que l’on remue notre cerveau pour qu’il retienne les notes et les enchaînements. La musique est aussi un sport cérébral, notamment lorsqu’il faut tout automatiser pour augmenter en vitesse, mais aussi parce qu’elle nécessite que l’on soit pleinement attentif à ce que l’on joue. Mes séances d’entraînement se terminent souvent dans la transpiration et la fatigue, après avoir soutenu mes bras plusieurs heures sans les reposer et ne pas m’être laissée distraire par quoi que ce soit.
À mon grand désarroi, j’ai commencé la harpe beaucoup trop tard, à l’âge de quinze ans, et j’ai été obligée de prendre des cours via des professeurs particuliers, alors que mes camarades s’activaient en conservatoire. Certains m’ont enseigné des méthodes efficaces, tandis que d’autres m’ont appris de mauvais gestes que j’ai assimilés et qu’il a fallu détruire pour tout reprendre à zéro. La harpe demande de la douceur, de la grâce et un doigté irréprochable. La corde doit être touchée par le haut pour s’enfoncer dans la chair de nos doigts, tandis que ces derniers s’alignent tous pour laisser un poignet ferme mais détendu, un bras souple mais efficace. Le coude doit être dirigé vers le haut quand la main droite se dirige vers les plus petites des cordes, au son aigu, et que l’on décale son corps vers l’arrière pour mieux se positionner et jouer les notes avec force. La bonne prise de la corde est un apprentissage essentiel, notamment lorsque l’on apprend les nuances par la suite. J’ai mis du temps à me sentir à l’aise, à placer mes doigts sans trop réfléchir, à ne pas trop appuyer pour assourdir mes spectateurs, et à jouer avec fluidité, sans que les notes me perturbent au point d’en oublier la musicalité de la mélodie et la beauté de la composition.
Aujourd’hui, je m’évade sans cesse, je prends du plaisir et j’en oublie toutes les souffrances qui m’ont permis d’arriver jusque-là. Je continue de prendre des cours pour ne pas perdre les techniques et continuer de progresser. La beauté de ce domaine est que l’on découvre sans cesse de nouvelles façons de jouer, de nouveaux morceaux et de nouvelles personnes. Jouer en groupe est complexe mais intéressant et enrichissant quand chaque protagoniste se doit de garder le rythme et de compter sur l’autre. Je monte sur scène seule ou accompagnée de mes différents groupements de musique.