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Travailler moins pour gagner plus et profiter de son temps libre ? C’est ce qu’a choisi cette société futuriste, grâce à l’aide de machines performantes et d’une conscience collective exacerbée.
Tout simplement (Partie 1)
J’avais fini ma journée et me préparai à rentrer chez moi pour manger un morceau. Aucun des travailleurs automates n’avait eu de problème et, pour une fois, j’avais coché toutes les cases de ma check-list. Je venais d’accomplir l’une de mes deux demi-journées d’Action Solidaire qui consistaient à contrôler les automates intelligents de plusieurs usines. Les déplacements n’étaient heureusement pas à mes frais, les portes de Transports Rapides coûtant vraiment la peau des fesses.
J’avais choisi les activités technologiques des Actions Solidaires et m’en sortais plutôt bien. Mon grand-père et mon père, tous deux des roboticiens à la retraite, m’avaient transmis leur passion pour la programmation des machines et, grâce à eux, j’avais réussi tous les tests avec succès. De plus, à côté des Actions Solidaires qui me prenaient quasiment la moitié de mon temps de travail, je travaillais aussi dans l’informatique, les autres matinées de la semaine. Je bossais pour une entreprise qui fournissait des intelligences artificielles de toute dernière génération, capables de contrôler leurs congénères et de s’autoréguler.
Le monde avançait vite, il courait et cela ne me dérangeait pas. Toutes ces évolutions avaient contribué à notre quotidien actuel et le pourcentage de gens heureux n’avait jamais été aussi haut dans notre pays. Quand je repensais à la vie de mon grand-père, je le plaignais tant. Aujourd’hui, pour un salaire égal, nous travaillions deux fois moins, avions tous nos après-midis à consacrer à nos loisirs personnels, le temps de s’occuper de nos proches et celui de profiter de la vie.
Cela me semblait si naturel de fonctionner ainsi. J’avais du mal à comprendre comment les populations d’antan avaient pu contribuer à leur accomplissement personnel, surtout si elles n’avaient pas eu de temps pour cela. L’Homme, loin d’être éternel, ne possédait qu’une vie. Le plus important devait consister à en jouir un maximum, et non de se tuer à la tâche pour des personnes qui n’en valaient pas la peine, qui se fichaient de l’amélioration des conditions de vie ou de la contribution au système. Les pensées individualistes n’avaient pas disparu pour autant mais le partage, la communauté et l’entraide n’avaient pas connu pareille gloire depuis…
Bonne question. Il fallait croire qu’il avait suffi de donner une chance au bonheur des Hommes pour qu’ils déversent sur le monde tout ce qu’ils possédaient de meilleur et que leur bonté reprenne ses droits. Tout n’était pas parfait dans le meilleur des mondes, bien sûr. Le crime, la corruption, le pouvoir composaient inlassablement les faiblesses de notre genre. Nous en étions conscients et essayions de nous améliorer.
Le changement ne s’était pas fait sans heurt ; les traces des révoltes et des massacres pouvaient encore se discerner dans certains quartiers de la ville. Le peuple avait enfin eu le courage de se lever contre un pouvoir avide d’argent, oublieux de son humanité et de son cœur qui se tuait à petit feu, pris au piège par le travail, cet esclavagisme moderne qui n’avait apporté ni respect, ni reconnaissance, ni bonheur. Le travail n’avait maintenant plus la même signification. Je me levais toujours d’un bon pied pour me rendre à mon poste. Mon grand-père m’enviait et m’ordonnait de profiter. Ses tâches l’avaient brisé. Sa retraite, commencée alors qu’il n’avait déjà plus la santé, ne lui rendrait pas toutes ces années perdues. La plupart des métiers pénibles s’étaient vus remplacer par des machines, dont la qualité des soins et des efforts ne déméritait pas et s’améliorait constamment.
Assise confortablement dans ma petite voiture intelligente et non polluante, j’approchai de ma maison douillette, contente d’avoir terminé mes quatre heures de travail. Des enfants s’amusaient sur leurs engins à lévitation et je croisais des familles qui se dirigeaient gaiement vers la plage. Le soleil brillait fort et nous arrosait de ses rayons ardents. La mairie avait heureusement installé des rafraîchisseurs d’air dans chaque habitation. Le trajet de trois quarts d’heure commençait à me peser mais nous ne pouvions pas nous abonner aux Transports Rapides, étant donné toutes nos activités qui nous lestaient bien assez le compte en banque. Dans quelques années, ce réseau innovant coûterait moins cher et serait accessible à la quasi-totalité des tranches de la société. Notre quotidien ne serait plus le même.