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Résumé : Ylsiirha est une jeune fée qui vit en symbiose avec son porteur, Arthur. Son physique lui déplaît tant qu’elle ne parvient pas à s’accepter. Son reflet l’insupporte et son souhait le plus cher est de ressembler aux créatures féeriques des contes pour enfants.
Quand le Conseil Fée-des-Rahl la convoque, Ylsiirha prend peur, sans se douter que ses complexes pourraient peut-être la sauver et lui offrir le destin dont elle rêve vraiment.
Un monde par fée (Partie 10)
Quand il se lève aux sons horribles de son réveille-matin, mes pensées divergent toujours vers Clérila et mes frères et sœurs disparus. J’ai peur pour elle et ai besoin de la revoir pour lui poser des questions sur son entretien au palais. Les conseils avisés du Fée-Gnant qui m’a interrogée me reviennent en mémoire et je passe tout le jour à réfléchir. Comment m’accepter alors que chaque parcelle de mon corps me répugne ? Comment font mes semblables pour oublier et sourire devant leur reflet ? De temps à autre, je m’égare et espionne Arthur lors de sa journée de cours. La simplicité de ces moments est touchante et les enfants humains m’amusent. Leurs conversations rythment habituellement mes instants de régénération par leur sincérité, naïveté et quelque fois stupidité. Contrairement à Amanda et ses rêves de paix, Arthur dépense son énergie dans les jeux et le sport. Ses crises d’adolescent emplissent également ses moments libres et fatiguent ses parents. J’aimerais tant vivre avec des parents qui m’aiment sans condition et râler pour pouvoir rentrer tard de mes soirées entre filles. La vie mortelle m’attire tant. Sentir les rayons de soleil sur ma peau, cueillir des fruits sur la pointe des pieds et manger avec des fourchettes sont autant d’activités diverses qui me font envie.
La nuit tombe rapidement et mon coven part à la chasse. Nous mangeons des insectes de toutes sortes et adorons leurs membres croustillants. Les chauves-souris et autres chouettes nous aident quand les forces nous manquent et nous troquons nos trouvailles contre nos futurs repas. Pourchasser ces bêtes ailées est un régal dans lequel nous essayons de rivaliser à longueur de temps. Grimper sur le dos des libellules et m’imaginer les diriger me procure une adrénaline telle que j’en oublie parfois mon jumeau et son sommeil. Une fois mon repas délicieux avalé, je me dirige vers la chambre d’Arthur alors que mes amis préfèrent continuer à voltiger parmi les créatures de la forêt. Ils ne comprennent pas pourquoi je suis si proche de mon hôte. Cela me paraît logique et aucune réponse ne me vient quand je cherche à me justifier. Il est une partie de moi, voilà tout.
Sur le chemin du retour, je sens que quelque chose ne va pas. Mon instinct me dicte de faire demi-tour mais je continue. Deux Fées-Longs apparaissent devant moi et me lancent des regards terrifiants. Leurs lances, habituellement dirigées vers le ciel, sont pointées vers mon ventre. Que se passe-t-il ? J’ai à peine le temps de réagir, trop surprise par leur attaque furtive, qu’ils m’entourent, plaquent leurs mains sur mon visage, et me font respirer une odeur nauséabonde qui m’envoie dans le monde des songes.
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J’ouvre les yeux et grogne comme un lendemain de fêtes bien animées. Ma tête est douloureuse, mes yeux voient trouble et les poignets me tirent. Les examinant, j’y décèle des marques rouges. La peur me paralyse de plein fouet. Où suis-je ? Comment va Arthur ? Pourquoi m’a-t-on attachée puis détachée ? Pourquoi suis-je ici ? La pièce dans laquelle je me trouve est une chambre tout ce qu’il y a de plus simple et l’air frais ambiant me donne des frissons. Le lit, pas très confortable, et la petite commode à son côté me rassurent tout de même. Je n’ai pas l’air d’être emprisonnée. Je souffle un peu. Seule et perdue, je me recroqueville sur moi-même et observe les murs ternes et gris. Des éclats de voix me parviennent étouffés et je décide de m’approcher de ce qui apparaît être une porte. Y plaquer l’oreille ne m’apporte que de la déception tant les bruits sont déformés, et je me replace sur le matelas, abattue tout en me couvrant du drap. Quelqu’un toque et je lui autorise d’entrer par automatisme. Je reconnais Huiljigh, le Fée-Gnant qui m’avait aidée. Le Conseil est alors au courant de ce qui se trame ici.
– Bonjour Ylsiirha. Je venais voir si tout allait bien.
– Je… Oui, ça va, merci, dis-je reconnaissante en me redressant. Où suis-je ? Que …
– Tout vous sera expliqué, me coupe le médecin avec un sourire apaisant. Vous avez réussi la première épreuve, celle du miroir. Ce que vous avez vu dans votre reflet est tout à fait normal et n’est que le début de la transformation. Bientôt, vous deviendrez l’être que vous êtes vraiment et vous apprendrez à vous aimer.
Je reste sans voix et ne sais quoi répondre. Huiljigh me prend les mains avec chaleur et m’offre un regard protecteur que je ne suis pas près d’oublier. Il s’éloigne et sort de la pièce pour laisser entrer un garde dont l’allure me déplaît déjà.
– Ylsiirha Fée-Ria ? Vous êtes attendue. Suivez-nous.