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Résumé : Ylsiirha est une jeune fée qui vit en symbiose avec son porteur, Arthur. Son physique lui déplaît tant qu’elle ne parvient pas à s’accepter. Son reflet l’insupporte et son souhait le plus cher est de ressembler aux créatures féeriques des contes pour enfants.
Quand le Conseil Fée-des-Rahl la convoque, Ylsiirha prend peur, sans se douter que ses complexes pourraient peut-être la sauver et lui offrir le destin dont elle rêve vraiment.
Un monde par fée (Partie 2)
Nous sommes des individus de la nuit et profitons de ces heures impies pour s’enivrer des rêves des humains que nous captons aisément grâce à nos pouvoirs. Ceux d’Amanda me faisaient peur tant ils regorgeaient de pensées sombres et négatives. Dignes des films de super-héros, les cauchemars de la jeune femme étaient palpitants. Mon ancienne protectrice s’imaginait causer la fin du monde, tuer des milliers de personnes ou devenir la criminelle numéro un. Elle semblait tant s’en vouloir de ne parvenir à rien dans ses relations amoureuses ou de ne pas sauver tous ses patients, que cela en était devenu maladif. Les mortels me paraissent plein de contradictions.
Avec mes capacités, j’essayais de la calmer et de l’apaiser. Je posais mes fines mains sur son front, psalmodiais mes sortilèges et la regardais arrêter de trembler, satisfaite. Sa jeunesse avait été plus douce et pleine de joie, comme celle que vit Arthur actuellement. Mon travail, loin d’être harassant, ne remplit pas chacune de mes nuits. J’en profite pour m’imprégner des rêves de mon jumeau et, tout en les surveillant, je m’en sers pour en apprendre davantage sur lui. Très intelligent, ses notes en classe sont étonnantes et nombre de ses professeurs le voient déjà comme un grand scientifique. Très fière de lui, j’entends tous les compliments et les blagues de ses amis quand il étudie au collège, alors que, blottie près de son cœur, je reste à l’abris du jour malveillant.
Quand je ne suis pas à l’affût du plus infime des cauchemars, je sors avec mes amis du coven. Nous chassons en compagnie des chauves-souris qui acceptent bien volontiers de partager leur repas et de nous avoir sur leur dos. Malgré nos ailes et notre capacité de voler, nous ne parvenons pas à nous maintenir en l’air bien longtemps. Peu nombreuses, nos ressources s’épuisent rapidement et mettent de longues heures à se renouveler. Les chouettes effraies, moins réceptives, préfèrent qu’on les attende au sol, alors que les hiboux ne veulent pas du tout de nous. Ces vilains spécimens, d’une impolitesse manifeste, passent leurs nuits à nous insulter et nous considèrent comme de la vermine. Heureusement, les chouettes alliées aux harfangs nous protègent contre ces rustres. Les autres animaux de la forêt nous craignent et ne nous causent pas d’ennuis. L’aura que nous dégageons ne les rassure pas et notre physique doit leur déplaire. Les vampires et loups-garous nous dispensent également de leur présence. Les lycans préfèrent leur meute et ne parlent pas beaucoup lorsqu’ils se transforment. Quant aux buveurs de sang, ils nous espionnent depuis notre apparition sur Terre et ne savent toujours pas comment nous aborder. Savoir que les chauves-souris nous apprécient ne les aide pas. Nous leur laissons du temps.
Loin des canons de beauté des livres de fantaisie humains, nous n’avons pas grand-chose en rapport avec les belles fées marraines ou Clochette de Peter Pan. Nos petites ailes apparaissent trouées et n’ont rien d’élégant, nos visages ronds ne sont pas spécialement beaux ou attirants, tout comme nos yeux et nos joues qui restent constamment ternes. Nos cheveux plutôt hirsutes, rappellent ceux des sorcières et nos corps difformes font horreur. Nos moindres faits et gestes nous demandent une énergie incommensurable et ce n’est qu’une fois dans notre hôte que nos jauges se remplissent et que nous ressentons la paix intérieure.
Nos premières années, loin d’être intéressantes, nous apprennent à nous ménager et à respecter nos capacités qui ne se développent que la nuit. Le jour, alors que les rayons ardents du soleil vibrent dans chaque atome de notre jumeau, nous attendons sagement et nous revivifions avec attention. Je me balade souvent dans la région du cerveau où de multiples neurones travaillent en équipe. Les mouvements synchronisés m’impressionnent, les farandoles d’éclats multicolores m’éblouissent et les branches mouvantes m’amusent comme dans un labyrinthe. J’aime tant cette vie mouvementée et pleine de surprise. Arthur ne sait pas que j’existe mais cela ne me déplaît pas. Je m’occupe de lui et ne m’en lasse pas. Son sourire vaut tous les maux. Quand je le regarde ainsi apaisé, le bonheur m’envahit.
– Ylsiirha ! Ylsiirha !