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Résumé : Ylsiirha est une jeune fée qui vit en symbiose avec son porteur, Arthur. Son physique lui déplaît tant qu’elle ne parvient pas à s’accepter. Son reflet l’insupporte et son souhait le plus cher est de ressembler aux créatures féeriques des contes pour enfants.
Quand le Conseil Fée-des-Rahl la convoque, Ylsiirha prend peur, sans se douter que ses complexes pourraient peut-être la sauver et lui offrir le destin dont elle rêve vraiment.
Un monde par fée (Partie 3)
J’entends quelque chose. Je me retourne et vois un Fée-Long s’acharner sur la vitre de la chambre, criant mon nom. Agacée, je lui ordonne de se taire d’un signe peu avenant et m’approche de la fenêtre. Mon hôte dort paisiblement depuis quelques heures et rien ne doit le réveiller. Ses examens de demain sont importants et je lui ai envoyé de douces ondes pour qu’il fasse de merveilleux rêves. Je n’ai jamais porté les Fées-Longs dans mon cœur et l’antipathie qu’ils me procurent me donne des migraines. Harnachés de leur belle lance dorée et d’une armure de plaques dans les mêmes tons, ils brillent même lors des nuits sans lune. Fiers et impétueux, ils obéissent sans discuter et manquent cruellement de discernement. Par le passé, mon coven a eu besoin de protection et ils n’ont pas démérité. Je leur en sais gré pour cela.
La poignée bouge enfin après y avoir appliqué tout mon poids et quelques onces d’énergie. Une légère brise m’atteint et je me sens soulagée. L’hiver doux du moment ne refroidira pas la pièce et ne perturbera pas Arthur. Je descends jusqu’au harceleur par un battement d’ailes contrôlé et le fixe amèrement. Le Fée-Long affiche un sourire narquois qui m’agace.
– Que se passe-t-il ? je lui demande en essayant de cacher mon désarroi.
– Le Conseil Fée-des-Rahl requiert la présence de tous les porte-paroles des covens.
Je me retourne et pose mon regard sur le visage de mon humain protecteur. Le laisser seul plusieurs heures m’inquiète. Bien que la nuit ne soit pas très avancée, je ne le quitte jamais bien longtemps.
– Je ne me suis pas encore nourrie, lui dis-je ennuyée. Je…
– Ton humain survivra sans toi quelques heures, me coupe le garde avec autorité. Les ordres ne sont pas discutables.
Le Fée-Long, du nom de Neejil, comme indiqué par l’étiquette ridicule sur son plastron, m’exaspère. Ses yeux énormes et son regard colérique me font bouillir et serrer les poings. Peu empathique, il ne doit pas passer beaucoup de temps avec celui qui lui permet de vivre dès l’aurore. Certains de mon espèce ne méritent pas cette vie. Résignée et ne souhaitant pas que le Conseil m’ait dans le collimateur, je hoche la tête, ferme la fenêtre et prends mon envol. L’épuisement m’atteint déjà et Neejil le sent. Posant son arme sur le rebord du mur, je l’observe bouger les doigts et les mains d’une manière singulière. Une sphère bleue apparaît dans sa paume. Ses scintillements m’hypnotisent quelques instants et je la suis des yeux lorsqu’elle s’échappe de la main du porteur pour s’éloigner vers les arbres. Ses rebonds et virevoltes illuminent les chênes et les frênes qui se détachent sur l’horizon. Créations mystérieuses, les Fées-Folets savent toujours où aller et qui contacter. Seuls les affiliés du Conseil peuvent bénéficier de ces esprits volatiles.
Le Fée-Long m’invite à m’asseoir près de lui et je ne refuse pas. Mes forces s’amenuisent moins vite la nuit mais s’affaiblissent tout de même. La lune nous régénère également quand elle daigne se montrer. Ce privilège nous manque aujourd’hui. Neejil se passe un mouchoir sur le front. Invoquer son Fée-Folet lui a coûté.
– Sais-tu de quoi il retourne ? lui fais-je après avoir attendu qu’il se sente un peu mieux.
– D’autres Naëlhe.
Sa réponse succincte me fait l’effet d’une douche froide. Naëlhe était la fée la plus bienveillante que j’ai connue et un humain lui a retiré le droit de vivre. Je jette un œil à Arthur dans sa chambre. Je le sens qui sourit dans ses rêves et j’en suis touchée. Comment un humain pourrait être aussi vil envers sa partenaire, une partie de lui, sa protectrice des nuits et sa jumelle ? Je ne peux croire que la découverte de Naëlhe ait donné envie à son hôte de la tuer. Un autre événement malheureux a dû se produire pour que le mortel ait eu soif de sang. Loin d’être de belles créatures, nous ne sommes pas profondément mauvaises.
Un cri me sort de mes pensées. Un harfang brun et majestueux s’avance vers nous, précédé du Fée-Folet. Cette vision magique m’apaise l’esprit et le cœur. Les plumes du rapace nocturne frottent au vent avec prodige et son assise à l’air semble parfaite. Sa puissance se ressent et mon être vibre quand il s’approche. La sphère bleue disparaît. Neejil se lève, récupère sa lance et se frappe la poitrine du poing gauche tout en s’inclinant devant l’oiseau imposant.
– Roi du couchant, je te remercie pour le voyage.