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Résumé : Ylsiirha est une jeune fée qui vit en symbiose avec son porteur, Arthur. Son physique lui déplaît tant qu’elle ne parvient pas à s’accepter. Son reflet l’insupporte et son souhait le plus cher est de ressembler aux créatures féeriques des contes pour enfants.
Quand le Conseil Fée-des-Rahl la convoque, Ylsiirha prend peur, sans se douter que ses complexes pourraient peut-être la sauver et lui offrir le destin dont elle rêve vraiment.
Un monde par fée (Partie 5)
Quelques maisons joliment meublées accueillent les voyageurs et nos cousins des contrées lointaines. Leurs vêtements sont toujours très colorés et bigarrés. J’aime les observer dès que possible et ne rate jamais une occasion d’analyser leurs tenues. Devant, un petit groupe habillé tout en vert chante à tue-tête dans une langue qui m’est inconnue. Parmi eux, une jeune recrue joue d’un instrument que je ne connais pas, passant ses doigts le long de câbles blancs, rouges ou bleus. Le son qui en sort est cristallin et m’attire.
Un Fée-Roce me remet vite à ma place et m’ordonne de suivre le groupe. La musique m’avait fait dévier de quelques centimètres. Je souffle de dépit. Après quelques pas, nous nous arrêtons pendant que Neejil commande plusieurs attelages de souris afin que nous puissions aller au Palais du Conseil Fée-des-Rahl. La montée ne sera pas infinie car ces mammifères sont rapides. Je m’assois sur un banc en attendant, sous le regard des fées encapuchonnées méfiantes. Je m’enthousiasme devant cette cacophonie de bruits de toutes sortes et face à l’effervescence de la ville qui m’emplit d’images improbables et de senteurs indescriptibles. Mes camarades acquiescent docilement, peu intéressés par mes discours alambiqués et niais. Contrairement à moi, Fée-Rie n’a plus aucun secret pour eux.
Nous partons enfin et je m’accroche aux poils soyeux de mon rongeur immaculé. Je lui grattouille le derrière de l’oreille, ce qui paraît lui plaire. Neejil en tête, la petite troupe avance et saute les marches avec souplesse, prenant rapidement de l’altitude. Les escaliers sont assez larges pour le passage de deux souris mais je me cramponne malgré tout lorsqu’une autre arrive en sens inverse. Ces petits animaux sont très dociles et apprécient nous transporter. Apparemment, cela les occupe et leur fait passer le temps au cœur de jolis endroits. Je suis bien contente qu’ils nous estiment assez pour nous servir de chauffeurs. Sans eux, nous ne pourrions pas faire grand-chose.
Regarder en bas ne me donne pas le vertige. Cela me permet de profiter du paysage et de l’activité bourdonnante du tronc. Je me demande ce que penserait Arthur s’il pouvait être ici avec moi. Aurait-il peur de moi ? Voudrait-il me tuer ? Amanda ne m’avait jamais vue car j’avais été prudente. Je suis sûre qu’elle ne m’aurait pas blessée ou fait du mal intentionnellement. Je l’aimais et elle m’aurait aimée en retour. Les humains ne sont pas parfaits mais je m’y suis profondément attachée. Nombre de mes sœurs du coven désapprouvent ce lien affectif. Les hôtes nous aident certes à nous protéger et à nous redonner des forces, mais rien ne nous oblige à les aider en retour, surtout alors qu’ils ne savent pas que nous existons. Nous ne leur devons rien. Cette philosophie n’est pas la mienne et j’ai toujours pensé que mon protecteur méritait d’aller bien, au moins durant son sommeil, et que ce dernier se devait d’être réparateur. Peu reconnaissants, mes semblables me répugnent quelque fois.
Arrivés au sommet, nous nous dirigeons vers un bâtiment admirablement sculpté dans du bois blanc et gris. Époustouflante, l’arche à l’entrée donne le ton, et toutes les colonnes entourant le jardin éblouissent par leur grâce. Une fontaine trône au centre et impose par sa hauteur et ses multiples jets d’eau. Le petit bassin, tout en dentelle boisée, abrite une foule de poissons qui sautent joyeusement. L’endroit féerique charme irrémédiablement tous les arrivants et les met dans une disposition avenante. Les Fées-Roces décélèrent à peine et me poussent à avancer. J’ai compris que le temps de la contemplation serait pour plus tard. Cela fait si longtemps que je ne suis pas venue ici. La dernière fois remonte à la disparition de Naëlhe et je ne me sentais vraiment pas dans mon assiette. La vision de son corps mutilé me donne encore des hauts le cœur. J’en avais même oublié les protocoles et autres civilités liés à l’étiquette. Révérences, noms à rallonge, faux semblants et dires hypocrites se révèlent absurdes. Je refuserai cette fois-ci de voir les corps.
Les gardes du palais, les Fées-Dérés, nous ouvrent les portes après avoir vérifié nos identités. Ils sont très élégants dans leurs armures rouges rutilantes et leur casque à pointe doré. Neejil les salue par leurs noms avant que nous pénétrions dans le hall d’entrée, encadré par d’immenses tapisseries et de nombreuses bougies parfumées. Le travail de minutie se retrouve dans tous les détails des tableaux et des sculptures qui décorent chaque recoin. Cet épanchement de luxe me met mal à l’aise et me raidit. Des Fées-Longs protègent chaque allée et chaque salle, créant une atmosphère peu sereine. L’animosité qu’ils dégagent me rappelle pourquoi je ne les aime pas. Les protecteurs du Conseil, loin d’être amicaux, ressemblent à des machines de guerre impitoyables. Tout comme les Fées-Roces, ils me paraissent un peu trop soumis à nos dirigeants et incapables de réfléchir par eux-mêmes.