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Résumé : Ylsiirha est une jeune fée qui vit en symbiose avec son porteur, Arthur. Son physique lui déplaît tant qu’elle ne parvient pas à s’accepter. Son reflet l’insupporte et son souhait le plus cher est de ressembler aux créatures féeriques des contes pour enfants.
Quand le Conseil Fée-des-Rahl la convoque, Ylsiirha prend peur, sans se douter que ses complexes pourraient peut-être la sauver et lui offrir le destin dont elle rêve vraiment.
Un monde par fée (Partie 7)
Un Fée-Long à proximité la fait taire d’un regard. Je pensais que nous parlerions de nos disparus pour les honorer mais la direction de ces paroles ne me plaît guère. Une boule au ventre m’empêche de respirer correctement. Les conseillers sagement assis ne semblent aucunement gênés et leurs visages sereins contrastent avec ceux de mes camarades.
– Tous, non, en effet. Vous avez raison, dit calmement le dirigeant dont les interruptions ne troublent pas. Cependant, pour notre bien, nous vous demandons de transmettre ces quelques prérogatives aux vôtres. La première est de ne jamais se présenter aux humains et de rester bien caché. La seconde est de nous faire parvenir des rapports réguliers sur les agissements des hôtes et leurs comportements agressifs. La troisième est de ne plus passer des heures à leur chevet lorsqu’ils dorment et de s’occuper également de vous. Les humains ne sont plus votre priorité et ne l’ont jamais été. Enfin, la dernière est de vous régénérer un maximum quitte à le faire la nuit, afin d’être capables de vous défendre en cas de besoin. Ainsi, nous espérons éviter de futurs meurtres et massacres des nôtres. La vie est courte et vous devez en profiter.
L’assemblée est mitigée et le brouhaha reprend ses droits. Clérila est perturbée. Je le vois à ses yeux plissés et son front serré. D’autres fées paraissent satisfaites de ne plus rien devoir à leur hôte et s’extasient devant les bienfaits des cités dont elles veulent à présent pleinement jouir. Je ne sais vers qui me tourner. Je suis troublée et en guerre contre moi-même. Je dédie toutes mes nuits à mon protecteur et l’aime sans commune mesure. Je ne pourrais d’aucune façon le laisser seul tous les jours et penser seulement à mes plaisirs. Je n’ai pas été faite ainsi. Pourtant, une part de mon être m’enjoint à être égoïste et m’affirme que seule cette voie est fédératrice de bonheur. Que dois-je faire ? Des Fées-Longs parcourent les allées et nous ordonnent de nous taire. Le Conseil a encore à nous dire.
– Les humains meurtriers seront privés de leur fée et de notre aide. Nous…
– Nous devons les détruire ! s’écrie mon voisin, de la rage plein les yeux, comme possédé. Les tuer et les faire souffrir !
La violence qui se dégage de sa personne me terrifie. L’assemblée s’agite. Les camps se dessinent et je ne sais plus où me mettre. Nombreux sont ceux à vouloir la mort des humains et je prends peur. Les membres du Conseil restent impassibles comme si ce qui se déroulait sous leurs regards était normal. Les Fées-Longs rétablissent le calme par des menaces et des lances acérées. Clérila semble aussi perturbée que moi. Tout va de travers.
– Nous ne pouvons combattre les humains, vous le savez. Notre énergie faiblit alors même que je vous parle. Nous ne sommes rien face à eux et notre magie n’a qu’une faible influence sur leur mental ou leur corps. Tout ce que nous pouvons faire est nous protéger et sauver notre peuple, pour vivre heureux et en paix. Peut-être que les alliances à venir nous permettront d’envisager un avenir différent.
Mon voisin rentre la tête, irrité. Sa rage est encore palpable et des perles de sueur coulent de son front.
– Avant de partir, vous allez être interrogés par un Fée-Gnant. Je vous conseille de tout lui dire, que ce soit à propos de vos doutes, de votre hôte ou de vos envies. Ce suivi psychologique vous est offert. Une heure avant l’aube, nous célébrerons dignement nos morts ici même, dans cette grande salle. Vous êtes tous invités. Les corps seront visibles par tous ceux qui le souhaitent.
Le dirigeant nous fait un geste de la main et penche la tête avant de rejoindre les siens qui se dirigent déjà vers la sortie. Des fées essaient de les atteindre pour leur parler mais les gardes leur bloquent le passage. Et si je ne veux rien dire à ce psychologue ? Apparemment, nous n’avons pas le choix car je ne suis pas la seule à protester et à me faire remettre à ma place. Les Fées-Longs nous installent en ligne, à la queue leu leu, devant trois portes dessinées sur les côtés. Des Fées-Gnants en sortent et se présentent. Leurs blouses blanches caricaturales me rappellent les séries télévisées humaines. Les premiers des files entrent dans leur cabinet et un silence pesant englobe ceux qui restent. Les Fées-Longs patrouillent et effraient les plus téméraires.