
Catégorie :
Auteur :
Résumé :
Depuis que le Graal a été retrouvé par Arthur et ses chevaliers, le monde magique se meurt. Éoline, la nouvelle grande prêtresse d’Avalon, cherche des conseils avisés auprès de la déesse Mère, pour éviter que tout ce qu’elle a connu ne se fonde dans les ténèbres de l’obscurantisme.
Une nouvelle ère (Partie 2)
Dana avait écouté Éoline sans l’interrompre et ses yeux paraissaient absents. La déesse réfléchissait et analysait tous les propos énoncés par sa représentante terrestre. Cette détresse s’était ressentie jusque dans tous les Sidhs, lieux de repos pour certains êtres particuliers et antre sacré pour la fratrie de la divinité. L’éclat de la lance du dieu Lugh avait terni et Nuada, le roi lunaire, ne parvenait plus à contrôler son bras d’argent. Le panthéon d’antan, supplanté par une trinité à la croix mortifère, ne ferait bientôt plus partie de ce monde. Le regard de Dana reprit vie. Éoline put y lire toute la haine que ses paroles avaient provoquée. La grande prêtresse n’était pas habituée à ce côté belliqueux provenant de sa déité et cela la troubla.
– Nous ne pensions pas que la situation pouvait être si grave sur Terre, car nos yeux, obnubilés par ce qui se passait chez nous, ne se tournaient plus vers vous. Cernunnos essaie déjà, depuis quelques temps maintenant, de rétablir nos pouvoirs majeurs. Nous pensions que nos ennemis, les Formori, étaient en cause mais je comprends qu’ils doivent autant souffrir que nous.
Dana fit une pause. La silhouette flottante se tourna vers chacune des femmes de l’assemblée. Celles-ci retenaient leur souffle et attendaient la suite. Avaient-elles eu raison d’invoquer la déesse ? La moue satisfaite de la divinité inquiéta Éoline. Les Tuatha Dé Danann, la tribu de la déité, allaient-ils profiter de l’occasion pour annihiler les Formori ou préféreraient-ils les aider eux, de pauvres terriens qui sollicitaient leur aide ? Les combats entre Sidhs ne faisaient pas partie des préoccupations de la grande prêtresse, même si elle comprenait leur importance pour ses dieux. Les créatures célestes immortelles savaient se montrer égoïstes, comme les humains, et ne se rendaient pas compte que la vie ne tenait parfois qu’à un fil. Le silence pesant fut enfin brisé.
– Merci Éoline d’avoir bravé les interdits pour m’appeler et me mettre devant le fait accompli. Mes frères et moi sommes d’accord. Il est urgent d’agir. Réunis tous nos meilleurs talents, dont Merlin, Taliesin, Viviane et Morgane. Nous tiendrons un conseil exceptionnel au sanctuaire, sur cette île, et déciderons d’une marche commune à suivre. Nous ne pouvons plus nous éparpiller et devons agir ensemble. En attendant, faites profil bas et ne vous attirez pas d’ennuis. Je sens qu’Arthur a encore confiance en nous et nous devons lui montrer qu’il a raison. Appelle-moi quand tout le monde sera en place. J’ai à faire et ne peux plus rester sur Terre, j’en suis désolée.
Éoline n’avait pu placer aucun mot et avait subi tout le monologue. Dana ne se rendait pas compte de la difficulté de la tâche. Merlin, caché dans sa forêt, ne voulait plus voir personne et passait ses journées à s’occuper de Viviane, atteinte d’un mal inconnu qui l’affaiblissait heure après heure. Taliesin se cachait et certaines disciples avaient entendu qu’il fomentait des actes rebelles envers la couronne, en formant des musiciens et des bardes. Quant à Morgane, elle se faisait torturer dans un cachot bien sordide et on disait qu’elle avait perdu la raison. La voix de Dana retentit sans qu’apparaisse son image.
– Pour vous aider dans votre tâche, je vous envoie deux de mes meilleures guerrières. Bonne chance !
– Merci, déesse ! s’exclama Éoline, heureuse que ses pensées aient été entendues.
Une larme de soulagement coula sur sa joue. Dana allait tous les sauver. Éoline n’avait plus de nouvelles de sa fille, partie sur le front afin de soigner les blessés tombés contre les saxons. Elle ne revenait toujours pas et le cœur de la grande prêtresse, détruit, ne vivait plus que pour la récupérer et ramener la lumière sur ce monde empli de noirceur. Elle comptait mener cette mission de la plus haute importance, elle-même, en espérant que Merlin, Viviane, et Taliesin la suivraient sans encombre et que sauver Morgane ne soit pas trop difficile. Les deux guerrières divines ne seraient pas de trop.
**
Cachée derrière un buisson, Arya arborait un camouflage parfait. Son espèce lui permettait de changer de couleur de peau et d’ajuster ses cheveux en fonction de ses objectifs. Éoline attendait ses indications, plus loin sur le sentier. La grande prêtresse avait insisté pour faire partie de l’expédition et son acharnement avait convaincu Arya. La jeune elfe, aux fines oreilles pointues cachées sous sa capuche, utilisait son ouïe sensible et sa vue perçante pour détecter le moindre piège. Connu pour ses facéties et le fait de ne pas vouloir être dérangé, Merlin avait plus d’un tour dans son sac. La forêt de Brocéliande, son foyer, regorgeait de secrets et de sortilèges trompeurs. La guerrière avait appris à s’en méfier et connaissait certains contresorts. Le pouvoir des mots en langage elfique s’avérait très efficace sur Terre. Arya espérait que sa sœur, Kayna, partie en même temps qu’elles pour délivrer Morgane, n’ait pas autant d’obstacles.