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Résumé :
L’humanité est contrôlée : ses moindres faits et gestes sont surveillés. Stéphane travaille dans un centre qui aide au maintien de cette société totalitaire, en vérifiant que chaque individu possède des papiers en règle. Alors qu’il doit traiter le dossier d’un nouveau client, il se rend compte que sa vie ne lui plaît plus et que ce système extrémiste le tue à petit feu. Que sera-t-il prêt à sacrifier pour changer de vie ?
Une signature ou la vie (Partie 2)
J’avais élevé la voix et aperçus plusieurs de mes collègues sursauter. Je me levai et m’excusai platement. Je priai pour qu’ils n’aient pas compris les paroles de Stanislas, trop occupés à leurs tâches. Aucun étranger, surtout sans document officiel, ne pouvait entrer chez nous. Comment avait-il fait pour que les gardes aux frontières le laissent passer ? De nombreuses questions se bousculèrent dans ma tête. Je mis un doigt sur ma bouche pour intimer le silence à mon client. Stanislas prit quelques secondes pour saisir la situation, avant de m’envoyer un clin d’œil. Était-il une personne haut placée dans son pays ? Avait-il obtenu un droit de passage exceptionnel ?
— Puis-je la voir, s’il vous plaît ? chuchotai-je en tendant la main.
— Oh, bien sûr, me dit-il sur le même ton et avec un sourire.
Sa carte d’identité m’intriguait. La tenir entre mes mains m’excitait. Je rêvais de me balader uniquement avec ce petit rectangle, sans avoir à prouver que mon physique était bien le mien ou que j’avais décidé de modifier la couleur de mes cheveux pour une raison intime. Sur la photo, il paraissait plus jeune mais on le reconnaissait sans peine. Des policiers auraient pu dire qu’il s’agissait de son fils. Je balayai ces arguments de mon esprit. Je ne savais pourquoi, mais je lui faisais confiance. Une douce chaleur et une rafraîchissante simplicité s’échappaient de cet homme. En sa présence, je me sentais à l’aise, alors que je me trouvais dans un environnement hostile.
— Pourquoi êtes-vous venu chez nous ? lui demandai-je en lui rendant avec forts tremblements son unique document officiel.
— J’aimerais m’installer dans votre pays et, apparemment, m’inscrire dans un établissement comme le vôtre correspond à l’étape obligatoire numéro deux. Enfin, si j’en crois le guide que l’on m’a donné, me répondit-il calmement, en sortant un petit livret d’une de ses poches.
Je reconnus la couverture et acquiesçai. Je lui réclamai d’approcher le guide et l’ouvris à la page présentant les documents officiels à fournir. Les couleurs vives me firent grimacer. Je ne supportais pas tout cet engouement pour le rose et le rouge. Des études avaient émis l’hypothèse que de telles couleurs pouvaient remonter le moral. De mon côté, elles ne faisaient que m’agacer.
— La liste m’avait semblé curieusement longue, continua-t-il. Je ne me suis pas inquiété, étant donné que j’avais ma carte d’identité. Je pensais que cela suffirait.
— Nos… coutumes sont étranges, je veux bien vous l’accorder, dis-je en baissant la tête. Une question me perturbe néanmoins : comment avez-vous fait pour franchir nos frontières ?
Stanislas tourna la tête de tous les côtés. Je compris qu’il ne voulait pas que sa révélation ne s’ébruite. D’un mouvement, je lui indiquai de poursuivre en lui signifiant qu’il pouvait me faire confiance. Nous étions déjà passés au chuchotement et, d’un coup d’œil, j’avais pu vérifier que mes collègues les plus proches se trouvaient également en présence de clients. Ils n’entendraient rien. Les caméras nous surveillaient mais n’espionnaient pas, du moins, d’après ce que j’en savais. Dans le cas contraire, si Stanislas n’avait toujours pas été arrêté, cela signifiait qu’il n’y avait certainement pas le moindre souci à se faire. Je devais arrêter d’être si méfiant envers tout et tout le monde !
— La guerre, me confia-t-il. J’ai obtenu un laissez-passer exceptionnel pour trouver refuge chez vous.
L’étonnement se lisait sur mon visage. Les actualités n’avaient jamais parlé d’un quelconque conflit à nos frontières. Je ne savais si je devais le croire ou non, même si je lui avais accordé ma confiance. On m’avait appris à accepter tout ce que disaient les journalistes. Songer qu’ils puissent nous mentir ou nous cacher des informations me fit l’effet d’une douche froide. Stanislas reprit contenance.
— À la frontière, on m’a simplement donné ce guide. Personne n’a eu le temps de m’expliquer quoi que ce soit. La situation est compliquée. Ne le dites à personne, s’il vous plaît. Je tiens à me fondre dans la masse et devenir un citoyen modèle. Je demanderai tous les papiers nécessaires.
— D’accord, très bien. Je ne dirai rien, comptez sur moi. Toutes les adresses se trouvent dans votre guide, expliquai-je, quelque peu perturbé et ému par sa situation peut-être mensongère tant elle semblait folle. Je suis désolé pour… euh… votre chez vous. Je ne savais pas pour la guerre.
— C’est gentil.