Catégorie : Fantastique/Merveilleux
Auteur : Lim
Résumé : Les gens de la ville ont peur des enfants. C’est pourquoi ces derniers vivent dans des pensionnats clos jusqu’à leur maturité.
Les douze élèves sélectionnés en classe de dernière année sont isolés du reste des enfants, puis présentés à quatre professeurs, chargés de les préparer à des vérités volontairement cachées. Ils suivent les cours sous une surveillance armée. Apprennent l’histoire de NASYA, leur monde ; la raison pour laquelle un dôme l’enveloppe entièrement. Étudient leurs rêves – ébauches de vies antérieures – à partir de perles conçues durant leur sommeil.
Les Perles de Nasya (Partie 1)
Une nuit artificielle, d’un noir absolu – comme toutes les précédentes en remontant jusqu’à la première génération.
Sun Abi s’apprêta à sortir de son sommeil.
Son visage adolescent se découvrit sous l’éclosion d’une lumière blanche produite par un filament virevoltant. Lent, prudent, et parfois rapide, excité.
Le filament grandit en poursuivant sa danse poétique, sa lumière s’intensifia, et bientôt, la chambre de Sun Abi fut percée à jour dans son ensemble. Le voile nocturne ne dissimulait plus le petit bureau en verre tactile qu’il utilisait davantage pour jouer que pour étudier ; ni le grand miroir à l’entrée, accroché au mur à la verticale ; ni le lit qui a veillé sur le confort d’une enfance privée de parents ; et il ne dissimulait plus la table de nuit sur laquelle trônait son Karm, objet précieux devenu commun à la vie de tous les habitants de NASYA.
Le Karm attira le filament et sa lumière blanche, l’emprisonna en son sein et le transforma en une perle de rêve.
Sun Abi ouvrit les yeux ; il ne voyait absolument rien, le noir avait regagné son emprise. Il ne faisait pas encore jour ? s’étonna-t-il.
Il se levait d’ordinaire toujours après le lever du jour. Ce fut une première expérience assez déroutante pour lui. Ne sachant comment réagir de prime abord, son esprit resta perturbé l’espace de quelques instants, puis il sentit monter en lui une forte angoisse qu’il était incapable de réfréner. Découvrir à l’âge de dix-sept ans que le noir lui faisait peur à ce point – lui qui se jugeait fier et téméraire. Ridicule et honteux, pensa-t-il. Cependant il resta dans un état de dépouillement absolu, sujet à toute folie insidieuse ; Sun Abi ne savait pas si les autres avaient leur propre façon de le décrire, mais pour lui, le noir était comme un inconnu qui le regardait avec malveillance.
Il souffla de soulagement comme il venait de remarquer une discrète source lumineuse sur sa table de chevet. Son attention arrimée à ce seul point de repère lui fit reprendre un semblant d’esprit. Il réalisa qu’il avait produit une perle de rêve spéciale, se leva brusquement, manquant de se cogner la tête contre le plafond bas et de faire flancher la résistance de son vieux lit.
Une perle blanche au milieu d’une dizaine de perles marron. Une perle blanche dans son Karm ! Depuis qu’il possède cette machine à matérialiser les rêves, il était prolifique en matière de perles, mais n’avait jamais produit une perle d’une telle rareté.
La joie le guérit de la peur du noir, reléguée à un plan mineur. Ne pouvant la garder secrète, il se précipita vers le grand miroir – non sans trébucher lamentablement par deux fois. À son contact, le miroir s’éclaira comme s’il sortait d’un état de veille, et diverses informations disséminées ça et là, apparurent. Le reflet de son pyjama lui rappela qu’il n’avait plus l’âge d’en porter. D’une main, il tapota sur le verre dans le coin en haut à gauche, et des chiffres se présentèrent à lui. Il appuya successivement sur le neuf et trois fois sur le zéro. Un son léger et mélodieux se fit entendre, faisant penser à une brise sifflante ; lorsqu’il cessa, le reflet de Sun Abi laissa place à l’image d’une autre chambre.
– Lim ! Réveille-toi ! Il est arrivé quelque chose d’incroyable !
Son ami était endormi, alors il traversa le miroir comme une simple porte ouverte pour aller le réveiller. Il se servait de sa perle blanche, toujours aussi lumineuse, pour voir où il mettait les pieds.
– Ça y est, j’en ai une ! dit-il en s’approchant. C’est la première fois que j’ai une perle blanche. Regarde ça ! Je vais faire des jaloux.
Pressentant que le sommeil lourd de Lim Ledah allait gâcher son euphorie, Sun Abi le secoua par l’épaule puis voulut le tourner face à lui. Ce faisant, il attrapa quelque chose de rond, mou et ferme à la fois : un sein. Il ne comprenait pas. Il avait pourtant bien composé le code de passage de son ami Lim Ledah. Neuf mille : c’était le même code depuis le début de leur longue amitié.
Sun Abi était d’une logique pragmatique, il était impossible qu’il se trompât dans la composition du code de passage. De plus, les codes avaient un verrouillage automatique par défaut. Que ce soit pour un appel ou un passage, il fallait la confirmation du destinataire. Les deux amis avaient enlevé cette option de verrouillage, car personne ne connaissait leurs codes et cela ne les dérangeait en rien que l’un ou l’autre vienne à l’improviste.
Un violent coup de poing dans l’œil vint mettre un terme à ses réflexions. Quelle force cette fille ! Elle était très énervée, il y avait de quoi.