
Il avait refusé d’ôter son chapeau, en entrant dans l’église, et cela lui avait valu les remontrances de l’assemblée, malgré son gros rhume. Son chapeau lui tenait chaud aux oreilles, à son crâne chauve. Cela lui sembla une torture, quand sa sœur le lui enleva d’autorité. Et naturellement, ce qui devait arriver arriva : il éternua, troublant la quiétude de l’office. Tous les regards convergèrent vers lui.
– Permettez que je remette mon chapeau, fit-il, très mal à l’aise.
– Pas dans la maison de Dieu ! tonna une voix.
Le nez du vieil homme se mit à couler, alors sa sœur lui donna un mouchoir. Il le saisit très vite, mais pas assez : il y eut un second éternuement.
– Jeanne, je t’en supplie, laisse-moi remettre mon chapeau.
– Si tu le remets, tu sors !
Emile ne voulait pas se disputer avec sa sœur. Alors il joignit les mains, fit rapidement sa prière dominicale, et reprit son chapeau pour sortir. De l’autre main, il se moucha de nouveau.
Il sortit le plus discrètement possible de l’église, se sentant malheureux. Il croyait en Dieu, et savait bien, au fond de lui, que celui-ci ne lui en voulait pas pour son chapeau. Il le remit sur sa tête, resserra son écharpe. C’était un souvenir de sa femme, on y sentait encore son parfum. Cette pensée le rendit encore plus triste. Il alla se mettre non loin de la porte, dans un coin, et pria pour l’âme de sa femme.
– Mon Dieu, suis-je si mauvais bougre ? pensa-t-il enfin.
A ce moment-là, il vit s’approcher vers lui une jeune femme toute ronde, aux fossettes attirantes.
– Voulez-vous quelque chose, monsieur ?
– Je ne suis pas ce que vous croyez. Je ne fais que mendier la clémence de Dieu. Excusez-moi.
Et Emile se moucha encore une fois.
– Vous êtes malade ?
– Oh, ce n’est qu’un rhume.
La jeune femme venait de la boulangerie toute proche. Cela se voyait, au petit paquet qu’elle portait à la main. Elle l’ouvrit.
– Tenez, prenez un petit gâteau. Et dites-vous que c’est Dieu qui m’envoie.
– Alors vous êtes un ange.
La jeune femme ne fit que sourire, tendit le paquet vers le vieil homme.
– Prenez.
Emile eut un regard qui voulait dire merci et, non sans malice, prit une religieuse. Puis la jeune femme referma le paquet. Elle embrassa très doucement le vieil homme, et disparut, laissant dans son sillage l’odeur si reconnaissable du parfum de sa femme.
Je découvre un texte sublime très poétique et si imprégné d’amour, bravo !